Yvon Chotard

name of activist

Yvon Chotard

date of birth of activist

3 Aug 1946

gender of activist

M

nationality of activist

French

date and place of interview

Nantes, 1 April 2008

name of interviewer

Robert Gildea

name of transcriber

Alice Moscaritolo

 

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RG : Bon monsieur, je vais vous demander, s'il vous plaît, votre nom et date et lieu de naissance pour commencer

 

YC : Je m'appelle Yvon Chotard, je suis né le 3 août 1946 à Guérande, une petite ville très ancienne près du Croisic

 

RG : Et est-ce que vous pouvez me dire quelque chose sur votre famille d'origine ?

 

YC : Du côté de ma mère, ils descendaient de meuniers. On remonte jusqu'au dix-septième siècle, c'était des meuniers dans la région de La Chapelle-des-Marais, en Brière. Ma mère était du village de Mayun, une briéronne pure souche, d'ambiance très catholique. Ses frères étaient missionnaires, deux frères étaient missionnaires en Inde et en Afrique, une sœur était religieuse, vous voyez, c'était une famille très catholique

 

RG : Il n'y a pas un roman d'Alphonse de Chateaubriand qui se passe là ?

 

YC : Si, exactement, et c'est tout à fait cette ambiance-là, d'un autre temps, parce que c'était une société très fermée, que mon père a tout de même pu pénétrer un peu, puisque lui était très éloigné du village de Mayun, parce qu'il habitait à Herbignac, à cinq kilomètres de là. Mais lui venait d'une region, de La Roche-Bernard, Nivillac, ce coin-là, sur la Vilaine quoi. Lui, sa famille, c'était des laboureurs, ça remonte vers le dix-septième aussi. Son père était greffier de paix, c'est-à-dire assistant épisodique du juge de paix mais il était un peu dans les affaires. Il était assez aisé, à Nivillac c'est lui qui avait la première voiture, la première baignoire

 

RG : Ça c'est votre grand-père

 

YC : Mon grand-père, Joseph, et le père de mon grand-père était forgeron à La Roche-Bernard et au delà vous voyez c'était une famille de laboureurs, de paysans aisés, mais toujours aussi très chrétiens. Ce qui a marqué cette famille et puis moi-même. J'en parle parce que ça m'a beaucoup touché, ça a eu beaucoup d'importance pour moi, c'était la guerre de '14-'18, comme beaucoup de familles à l'époque en Bretagne, ou également en Allemagne. C'était quelque chose d'atroce dont on a perdu la conscience très souvent mais qui a bouleversé la vie de tous ces gens-là. Lui il avait fait la guerre de '14-'18, c'est là qu'il avait fait son Droit. C'est pour ça qu'il est devenu après greffier de paix, mais il a perdu son frère et beaucoup d'illusions, comme beaucoup de gens. Il est revenu, il a fait plus ou moins fortune comme greffier, parce que les greffiers étaient chargés des ventes immobilières. Donc il était très prospère jusqu'à la crise de '30. '35, il a tout perdu, parce qu'il a été caution, comme bon chrétien, de fermiers qui ont fait faillite et il a perdu sa situation, sa position. Par exemple mon père était en pension chez les frères à Guérande et il a dû abandonner très vite ses études – il était ravi d'ailleurs d'abandonner ces études et la pension – ça reviendra à mon propre destin après. Il a abandonné la pension parce que mon grand-père n'avait plus le moyen de payer

 

RG : C'était dans les années trente ?

 

YC : Oui, entre trente et quarante. Mon père est né en '21, ça devait être en '34. Et la guerre de '39-'45 - moi je suis né en '46 de cette famille très catholique, très ouvrière

 

RG : Pardon, qu'est-ce que faisait votre père à l'époque quand vous êtes né ?

 

YC : Il était soldat, il faisait son service militaire. Son service militaire avait été retardé par la guerre, il était plus ou moins réfractaire, enfin très amateur, il s'est jamais vanté de ça, mais je sais que mon grand-père et lui ont aidé les Alliés lors de la poche de Saint-Nazaire. La frontière était toute proche de Herbignac, là où ils habitaient. Ils se sont mariés pendant la poche de Saint-Nazaire mes parents, et mon père et mon grand-père donnaient comme ils étaient dessinateurs – mon grand-père par ses fonctions était aussi métreur, c'est pour ça qu'il s'occupait de l'immobilier – ils ont fait des plans qui représentaient les postes d'artillerie allemands qui étaient envoyés de l'autre côté de la Vilaine aux Alliés. Ils se sont jamais vanté de ça, mais j'ai vraiment l'impression en repensant cette époque-là que la plupart de ceux qui ont fait quelque chose n'ont pas fait énormément, mais c'est passé comme ça, et beaucoup qui ont fait encore moins se sont trouvés décorés

 

RG : Pour des faits de résistance soi-disant ?

 

YC : Oui, voilà, je dis ça comme ça parce que c'est la vérité, ils ont participé. Dans la famille il y avait également un oncle, le beau-frère de mon grand-père, donc le frère de ma grand-mère paternelle, qui lui a fait beaucoup de choses. En tout cas c'était un peu l'ambiance familiale, catholique, ouvrier, du côté de la Brière, du côté de ma mère, et c'est devenu ouvrier du côté de mon père à cause de ce déclassement économique. Mon père est rentré au Chantier de l'Atlantique comme traceur et il est devenu dessinateur, donc un mensuel comme on disait à cette époque-là, l'aristocratie ouvrière, mais il a toujours été syndiqué, à la CFTC puis à la CFDT, mais sans plus. Ça l'a amené à être socialiste, il a été au Parti socialiste quand on habitait Saint-Nazaire

 

RG : Pardon, je ne comprends pas, on parle de votre grand-père ou de votre père ?

 

YC : De mon père

 

RG : Donc il était devenu dessinateur après la guerre

 

YC : C'est ça, c'est-à-dire que le côté ouvrier de ma famille, c'est surtout du côté de ma mère. Mais par déclassement économique, plus que social d'ailleurs, et par le mariage de mon père, mon père s'est trouvé associé à cette vie ouvrière autour des Chantiers de l'Atlantique, qui à l'époque s'appelaient les Chantiers de Penhoët et de la Loire

 

RG : Et c'est à Nantes ça, ou à Saint-Nazaire ?

 

YC : À Saint-Nazaire, le chantier de construction navale. Leur vie se déroulait entre Saint-Nazaire, la presqu'île guérandaise, où je suis né, où on a vécu six ans, mon père a travaillé, et la Brière, et jusqu'à La Roche-Bernard, la ville d'origine de mon père. C'est une génération, là je parle maintenant de mon père et de ma mère, sinon on va peut être pas en finir

 

RG : Pour venir à vos études, qu'est-ce que vous avez fait ?

 

YC : Mes parents, catholiques, ouvriers, de cette culture-là, ce qui les amène à militer, c'est important pour eux, à l'Action Catholique Ouvrière. On est trois frères et une soeur, je suis l'aîné, et mes études c'est d'abord à l'école primaire Saint-Jean, donc l'école catholique, à Pornichet, toujours dans le même secteur. Et puis ensuite, à onze ans, pour moi c'est important, je suis allé au petit séminaire des Missions Étrangères de Paris, parce que l'un de mes oncles était missionnaire en Inde et de cette congrégation des Missions Étrangères de Paris, qui était une congrégation qui était lancée je crois sous Louis XIV et qui s'est consacrée à l'Asie : la Chine, le Japon, l'Inde pour l'essentiel. Mon oncle, qui était mon parrain, était donc en Inde et c'est comme ça que j'ai eu entre guillemets la vocation religieuse et que je voulais devenir prêtre

 

RG : Vous avez commencé vos études au petit séminaire à quel moment ?

 

YC : En sixième, donc à onze ans, peut être à douze ans

 

RG : Vers '58

 

YC : Oui, c'est à la rentrée '58, en septembre '58 que je suis rentré à ce petit séminaire à Beaupréau, c'est dans la Maine-et-Loire

 

RG : Ah donc c'est pas à Paris

 

YC : Non, non, la congrégation était à Paris, mais le séminaire était à Beaupréau en Maine-et-Loire. C'était une époque vous savez où on partait en pension pour trois mois, on revenait tous les trois mois, et ça a eu de l'influence sur '68 ça. Je suis resté donc trois ans dans ce petit séminaire. Au départ j'avais la vocation religieuse, si on veut analyser ça, c'était certainement lié à ma position au sein de ma famille. J'étais l'aîné, mes frères étaient nés trois ans après et six ans après, et c'était une configuration classique. J'étais un peu délaissé par une mère très aimante qui était passée au suivant, ce qui était normal. Je pense que mon envie de briller religieusement était un souhait de retrouver l'amour privilégié de ma mère. Je sais ça parce que comme avocat pénaliste, j'ai eu à défendre évidemment des gens en Cour d'assise, beaucoup, et j'ai défendu notamment un prêtre pédophile, plusieurs même. Bon, mais notamment un dont l'histoire m'a intéressée parce qu'elle était assez proche de la mienne. Et j'ai réalisé en le défendant, en essayant de comprendre comment il avait eu la vocation religieuse, que c'était mon chemin également. C'est-à-dire que c'était dans la constellation familiale, c'était un moyen pour le petit garçon de onze ans, douze ans, pour récupérer de l'importance

 

RG : Mais en particulier en faisant des études religieuses ou devenant prêtre ?

 

YC : En devenant prêtre, mon rêve était de devenir un saint. C'était une vocation religieuse pas du tout arriviste. Je voulais pas devenir évêque ou, je voulais devenir un saint, pour vraiment plaire à ma mère

 

RG : Et votre père ?

 

YC : Mon père était moins important de ce point de vue-là. L'amour de mon père était inconditionnel, et plus léger, c'est un peu ce qui m'a sauvé, parce que je pense je serais resté enfermé dans cette histoire de fous si j'avais pas été aidé par mon père qui est toujours vivant, ma mère est décédée. Bon il était un peu lâche - la personnalité dans la famille c'était ma mère, mais lui son tempérament léger et aimant, l'a amené à m'aider   quand j'ai voulu sortir de ce petit séminaire, malgré tout. Même si il écoutait ma mère, il faisait valoir les arguments de son fils. Parce que assez vite je réalisais que j'étais pas fait pour vivre dans cette prison, prison presque au sens physique, et au sens idéologique. Je maîtrisais évidemment pas toutes ces questions à ce moment-là mais mon premier combat, le deuxième, mon premier ça a été d'aller au petit séminaire pour récupérer de l'amour auprès des miens, et le deuxième ça a été de me sauver du petit séminaire, de me battre contre les curés qui nous lavaient le cerveau. Il y a pas d'autres mots, on dirait maintenant que c'était un univers très sectaire, c'était vraiment l'Église catholique du dix-neuvième siècle

 

RG : Dans la Vendée ?

 

YC : En Maine-et-Loire, mais c'est la même chose

 

RG : C'est la Vendée militaire, comme on dit

 

YC : Oui, exactement, on était d'ailleurs emmené très régulièrement en pèlerinage dans tous les lieux de combat des Vendéens, pour le pire et le meilleur, c'est aussi bien, peu importe, enfin ça nous éloigne. Il faut voir aussi que les Pères des Missions Étrangères de Paris, qui étaient nos enseignants, étaient vieux et généralement assez sympathiques, les missionnaires c'est des baroudeurs quoi, mais étaient très anticommunistes, parce que pour la plupart ils avaient été chassés de Chine, c'était après la révolution chinoise. Et c'était très intéressant, parce que je pense que mon anticommunisme a quelque chose à voir, pas avec leur enseignement, mais leur ressenti. Mon anticommunisme, dont je vous parlerai après, était très lié aux informations simplement qu'ils nous donnaient, parce que c'était pas que pure propagande, c'était aussi des informations précises sur la manière dont les communistes avaient pris le pouvoir en Chine, et ça nous renvoyait un petit peu aux guerres de Vendée. C'était l'univers chrétien qui se défendait contre les bleus, les républicains, c'était les colonnes infernales aussi, et contre les rouges chinois. Il y avait cet enseignement-là, historique, assez équilibré. Je pense qu'ils n'ont jamais dit des choses qui m'ont apparu fausses longtemps après, si vous voulez c'était quelque chose comme des préliminaires à ce que j'ai découvert après avec Simon Leys, Les habits neufs du président Mao. Ça va être important après pour mon positionnement vis-à-vis des léninistes et des maoïstes

 

RG : Est-ce qu'on peut revenir un peu sur votre crise de foi, vous vous êtes révolté contre ces prêtres à l'âge de quatorze ans ?

 

YC : Quatorze ans, quinze ans. Je voulais pas rester au petit séminaire. Et comme là pour le coup ma mère était très chrétienne, mais dans le très mauvais sens, quelque part j'aurais réglé plein de problèmes en devenant prêtre. C'était une époque où le peuple en France s'enrichissait, il travaillait énormément. Mon père travaillait peut-être cinquante heures au chantier, plus dix ou quinze heures à faire des plans à titre privé, plus il construisait sa maison, et ma mère tenait une maison bourgeoise toute seule. Je crois qu'on a connu ça, vous êtes plus jeune que moi mais vous avez pu quand même, ça doit être un peu la même chose

 

RG : Oui, c'est les Trente glorieuses

 

YC : Oui, on s'enrichissait, mais en travaillant comme des fous, et ma mère avait certainement un peu mauvaise conscience de ça comme chrétienne. Et le fait de donner un de ces fils à Dieu, à l'Église, dans la tradition de sa famille, c'était pas mal, ça excusait ces petits chapeaux et ces petits tapis, quelque chose comme ça. J'aurais pas donné l'impression de parler de ma maman avec sévérité, mais je sais ça, elle me disait des trucs du genre : « Tu n'est pas beau, tu n'arriveras pas à te marier », des choses comme ça, des choses très étonnantes pour moi, quand on y repense : « Tu n'es pas capable d'affection, tu ne pourras pas vivre autrement que comme ». Vraiment il y avait une pression énorme pour que je reste dans ce moule catholique. Et moi j'ai dû tricher, c'est-à-dire j'ai dû faire semblant de rester un bon catholique mais en restant pas au petit séminaire. Ça m'a amené à militer comme étudiant catholique, enfin comme lycéen catholique 

 

RG : Parce que vous êtes allé au lycée ?

 

YC : J'ai donc quitté le petit séminaire de Beaupréau, qui par bonheur pour moi fermait à cette époque-là, c'était les débuts de la crise, mes parents ont cherché pendant un moment de me foutre dans un autre petit séminaire, et je mettais tellement de mauvaise volonté, et mon père m'a quand même aidé, et pour des raisons économiques aussi, ils m'ont placé au Lycée Aristide Briand de Saint-Nazaire, lycée mixte, et depuis c'est le bonheur

 

RG : Donc cette révolte contre les prêtres est aussi une révolte contre votre mère ?

 

YC : Oui, bien sûr, c'était une révolte contre ma famille, c'est clair maintenant. Ma libération entre guillemets, c'est faite d'abord contre les miens, contre cette famille très catholique et très manipulatrice. Ma mère était très douée pour ce genre de sport, que j'ai beaucoup appris, qui m'a amené après à être facilement avocat, c'est-à-dire pour me battre contre ma maman. Il a fallu que je manipule aussi, que ce soit la contre-manipulation contre la manipulation. Et donc le Lycée Aristide Briand à Saint-Nazaire, formidable, les filles, d'abord les filles, ensuite les filles, toujours les filles, c'était le grand truc, plus les copains, la liberté quoi, quelque chose de très chaud, de très bandant. Puis je suis venu à Nantes pour faire des études de Droit, à cette époque je ne savais même pas comment étaient organisé les études, c'était vraiment le début de la démocratisation de l'enseignement en France

 

RG : Vous êtes allé à la fac de Droit ?

 

YC : De Droit et de Lettres

 

RG : En quelle année ?

 

YC : En '65. Donc je me suis inscrit en Philo-Latin-Grec et puis Lettres classiques, Philo je crois

 

RG : D'abord vous êtes passé par le lycée à Nantes ?

 

YC : Non, je suis resté au lycée jusqu'à la fin à Saint-Nazaire et je me suis inscrit en Droit, à Nantes, et à Lettres. J'ai pas foutu grande chose, c'était toujours la fête qui continuait, une bonne bande, parce que c'était, quelque part '68 était déjà commencé à Saint-Nazaire, et même peut être à Beaupréau. Je vais revenir là-dessus, parce que c'était comment j'étais en contact avec les réseaux dont on va parler. En même temps c'était la fête à Saint-Nazaire, mes préoccupations en tant que manipulateur vis-à-vis de mes parents, mais pas seulement, spontanément aussi, ces choses-là sont toujours assez mélangées. Je me suis beaucoup intéressé à l'hindouisme, c'était une manière aussi de se décaler du catholicisme, c'était une sainteté, un univers un peu mystique, mais en donnant pas l'exclusivité mystique à la religion chrétienne

 

RG : Comment vous l'avez découvert l'hindouisme ?

 

YC : Par lecture. Lanza del Vasto et Gandhi, beaucoup. Donc le yoga, j'ai toujours beaucoup lu évidemment

 

RG : Tout seul ou avec des copains ?

 

YC : Tout seul, j'ai toujours été assez individuel dans mes, j'avais toujours plein de copains, mais dans mes recherches intellectuelles, j'étais plutôt individuel. Donc j'étais dans cette quête-là, ce qui m'a amené à être disciple de Lanza del Vasto et Gandhi, à devenir non-violent, ça veut dire, c'était à l'époque de la guerre d'Algérie qui se terminait, non-violent ça voulait dire se positionner par rapport au service militaire. Je me suis intéressé à ce moment-là au statut des objecteurs de conscience. Il y avait pas à ce moment-là en France des objecteurs de conscience, on allait en prison

 

RG : Parce qu'en principe vous auriez dû faire votre service militaire en '66, ou après la fin des études

 

YC : Oui, j'étais sursitaire, je connaissais pas très bien ce qui allait se passer de ce point de vue-là, puis on savait pas trop, on s'en occupait, mais par contre je voulais pas aller à l'armée. Donc je m'intéressais au statut des objecteurs de conscience, et c'est comme ça, alors il y avait que deux catégories de personnes qui s'intéressaient au statut des objecteurs : il y avait les témoins de Jéhovah, mais j'avais déjà donné beaucoup, et les anarchistes. Et donc c'est ce qui m'a amené à fréquenter intellectuellement les anarchistes, en particulier Louis Lecoin, qui avait fait une grève de la faim, vous voyez ?

 

RG : Je vois qui c'est, il était d'un certain âge?

 

YC : Oui, c'était un vieux militant qui s'était pris de sympathie pour les objecteurs, et qui avait fait une grève de la faim très forte, Pompidou était premier ministre à ce moment-là, pour obtenir un statut des objecteurs ; il l'a obtenu. Mon père m'a dit que j'avais fait la grève de la faim en même temps que lui. Je crois pas que ça soit vrai, je crois pas, mais j'étais très motivé

 

RG : C'était vers quelle année ?

 

YC : Ça devait être en '63. En même temps j'étais militant de la Jeunesse Étudiante Catholique, comme je vous disais tout à l'heure, j'avais même des responsabilités dans cette organisation de jeunes, mais c'était un moyen pour moi, franchement, de rester en contact avec la religion de mes parents, pas avoir d'emmerdements de ce côté-là, et donner un peu le change

 

RG : Comment vous avez réconcilié le catholicisme et l'anarchisme ?

 

YC : Je sais pas, je l'ai évidemment pas réconcilié, c'est une époque où j'ai participé à des camps de travail international, une organisation qui s'appelait... En tout cas je suis allé en Autriche et en Hollande pendant les vacances travailler dans des camps de travail internationaux

 

RG : Est-ce que vous avez rencontré des anarchistes par ici ?

 

YC : Non, c'était pas à ce moment-là, mais par contre dans ces chantiers internationaux, c'était très ouvert aux anarchistes. J'en ai rencontré un certain nombre, des gens sans qualités particulières, mais sympa. Donc ça me plaisait bien cette ambiance-là, ça me plaisait beaucoup, c'était très libre, très pre-soixante-huitard. Et j'ai connu à Saint-Nazaire, à la fin de mon lycée, Gabriel Cohn-Bendit, qui était prof, que j'avais connu lui non pas par l'objection de conscience, mais que j'avais connu parce que je m'étais, comme responsable des étudiants catholiques, j'avais été élu responsable du lycée, j'avais eu la majorité lors de l'élection au Lycée Aristide Briand, donc j'avais participé au conseil d'administration du lycée. Et il y avait eu un scandale parce qu'on s'était opposé - je simplifie parce qu'on en finirait pas - au système de notation, le proviseur nous avait demandé de veiller – c'était une autre époque – à ce que les élèves ne trichent pas, et j'avais fait scandale en disant : « Le problème c'est pas tricher, c'est les notes qui sont idiotes et on tricherait pas s'il y avait pas de notes ». C'était très précurseur par rapport... J'avais eu des ennuies, il y avait eu un remue-ménage dans le lycée et j'avais été défendu par Gabriel Cohn-Bendit et des amis à lui, c'est comme ça qu'on s'est rencontré

 

RG : Mais qu'est-ce qu'il faisait là ?

 

YC : Il était prof d'Allemand 

 

RG : Par hazard

 

YC : Il était auparavant à La Baule, où ma première femme avait été élève et mon copain de lycée était le frère de cette jeune femme, vous voyez dans le copinage il faisait partie un peu de la famille. J'étais plus proche de lui à un certain moment, et c'est comme ça que j'ai rencontré ma première femme. Je l'ai épousée, ça a de l'importance aussi si on veut en parler, c'est que mon copain, qui s'appelait Yves Cochetel et qui lui s'intéressait pas à l'Inde, il s'intéressait à la Grèce, à la philosophie grecque, et il s'est suicidé en terminale. Il a pris du cyanure

 

RG : Pour quelle raison ?

 

YC : Malaise existentiel et accident en même temps, comme on se suicide à dix-sept ans, et c'est vrai que quelque part ça aurait pu bien être moi. On parlait beaucoup de ces choses-là et donc sa sœur, qui est devenue ma femme après, c'était un peu morbide, mais je pense que ça n'avait rien d'excessif. Je crois que c'était assez banal à cet âge-là pour peu qu'on encourage ce genre de tendance, en tout cas son suicide a été important comme point de repère. Donc c'est après que je suis venu à Nantes, un peu toujours dans cette petite bande, ma copine d'alors, ma femme d'alors était là

 

RG : Comment elle s'appelait ?

 

YC : Gwenolène Cochetel, on a un enfant ensemble, qui a maintenant

 

RG : Vous vous êtes mariés vers quel ?

 

YC : On s'est marié en '67, mais on s'est marié, s'est un peu pareil, un peu le même genre de manipulation que mes participations aux activités catholiques. C'est qu'on était très libertaires et les parents nous emmerdaient, on s'est dit : « Bon, on va se marier comme ça nous on se débrouillera ». On s'aimait, c'était pas un mariage blanc, mais on prévoyait de ne se devoir de comptes qu'entre nous et que les parents nous foutent la paix, on était marié, etc. C'était quand même assez jeune, c'était juste un mois après ma majorité légale, le plus vite possible. Après évidemment il y a eu des divergences d'interprétation sur ce mariage. Moi je n'étais pas marié, c'était juste une convention pour avoir la paix, une manipulation. Pour elle évidemment, les femmes raisonnent éventuellement différemment, peut être qu'au début elle voyait les choses comme moi et après différemment, enfin bon c'est la vie. En tous les cas, à Nantes c'était la fête, on buvait, on jouait au poker, on a fait des aventures, et c'était, on travaillait peu, on lisait beaucoup, il y avait une effervescence très marginale, on était en marge de l'université. L'université à l'époque était en main des enfants de la bourgeoisie nantaise, c'était très conventionnel, surtout en Droit, et moi j'étais pas à l'aise là-dedans, c'est ce qui m'avait amené à me faire élire comme représentant avec la minorité de l'UNEF à l'époque, des gens de gauche, mais sans vraiment grande conviction, je fréquentais beaucoup aussi les gens de droite, j'étais très libre

 

RG : De droite ou d'extrême droite ?

 

YC : De droite. L'extrême droite, ça m'aurait pas gêné, je veux dire si, ça m'aurait gêné, mais il y en avait pas, c'était une droite quand même très catholique, mais catholique bonne bourgeoisie nantaise quoi. En fait je crois parce qu'il y avait deux belles filles qui étaient dans ce groupe-là, c'était ça qui donnait de l'intérêt au truc, mais ça a pas duré très longtemps, à cause du malaise social que j'éprouvais en tant que rejeton de la classe ouvrière. Par exemple j'osais pas aller avec mon vélo en faculté, je trouvais pas ça assez chic, donc j'allais en cravate. Mais j'y allais peu, si bien qu'en fin de l'année j'ai raté les deux examens en juin la première année, et en septembre j'étais admis en Droit, ce qui fait que j'ai laissé tomber Lettres pour aller en Droit

 

RG : Ça c'est en '66 ?

 

YC : '66 quoi. En '66 j'ai trouvé une combine avec les inspecteurs des impôts, on avait nos études payées. C'était un temps de cocagne, on avait nos études payées pour passer le concours d'inspecteur des impôts. La seule difficulté c'était pas l'avoir. Je me souviens d'un copain, c'était toute une ambiance, très légère, très plaisante, un copain qui avait fait toute sa dissertation sur l'Europe des six, à l'époque, en disant tout le temps « Les cinq pays de l'Europe des six », il y mettait quand même de la mauvaise foi (Rires de YC). Mais c'était un peu le jeu. Donc on a été collé après, j'étais pion aux Sables d'Olonne. C'était une époque où on pouvait faire ses études en travaillant, à mi-temps  

 

RG : Vous faisiez l'aller-retour ?

 

YC : Oui, on faisait trente-cinq heures aux Sables d'Olonne, on arrêtait pas de faire la route, en '68 - on en parlera tout à l'heure - pendant les moments de crise, je me mettais en congé maladie, puisque j'étais président du syndicat étudiant à Nantes. J'arrivais donc au lycée où j'étais pion aux Sables d'Olonne et le proviseur avait le journal où j'étais photographié, où il y avait mon nom, « Vous étiez malade ? » (Rires de RG et YC). Je n'ai pas été gardé non plus dans l'Éducation nationale, j'ai eu grâce à mes exploits la plus mauvaise note de l'Académie. Après j'ai travaillé à l'ASSEDIC régionale où j'avais trouvé un job grâce à Alexandre Hébert, qui – solidarité révolutionnaire – m'avait trouvé un boulot

 

RG : À quel moment ça ?

 

YC : '69

 

RG : Vous avez fait la connaissance d'Alexandre Hébert à quel moment ?

 

YC : En arrivant à Nantes, parce qu'il était copain avec Cohn-Bendit, ça c'était le milieu anarchiste de Loire-Atlantique. Donc je l'ai fréquenté naturellement à ce moment-là. Il y avait aussi les réseaux d'avortement, qui étaient organisés par les anarchistes, donc ça nous amenait à nous voir de temps en temps

 

RG : Pour avorter les femmes de la classe ouvrière ?

 

YC : Oui, et les militants, c'était très engagé de ce point de vue-là. Je me souviens, c'était des anciens carabins bordelais, les frères Lapeyre qui exerçaient officiellement l'activité de coiffeurs mais qui avaient à titre militant avorté des gens partout en France et même en Espagne parce qu'ils avaient fait la guerre d'Espagne. Ils faisaient ça à des tarifs militants, et ce réseau-là organisait leur déplacement et leur

 

RG : Parce qu'il y avait une nouvelle méthode ? On parle de nouvelles méthodes, je les connais pas mais

 

YC : Oui, c'était, moi je sais pas trop non plus, mais ils avaient des méthodes très au point, ça fonctionnait très bien, sauf qu'il y a eu un accident un jour et Aristide Lapeyre, donc des frères Lapeyre, qui venait beaucoup à Nantes, a été emprisonné. Il est devenu hémiplégique en prison et il a été sorti de prison, pour mourir en somme, par Pompidou par intervention de Bergeron, puisqu'Alexandre Hébert était le secrétaire de l'Union Départementale de Force Ouvrière. Alors est-ce que c'est des réseaux franc-maçons, des choses comme ça ?  Je sais pas. Ou peut être le réseau syndical seulement, mais en tout cas il y avait ce lien entre les milieux anarchistes entre guillemets étudiants dont je faisais partie et puis les traditionnels anarcho-syndicalistes, qui étaient beaucoup à FO, en compagnie de trotskistes. Tout ce petit monde-là vivait bien

 

RG : Et vous avez fait la connaissance aussi de Guy Debord ?

 

YC : Alors Guy Debord c'est un peu après, vers '66, '67, ça c'est fait de façon très simple. C'est Gabriel Cohn-Bendit qui avait été en possession de la brochure qu'avaient faite les situationnistes à Strasbourg, qui s'appelle « De la misère en milieu étudiant », qui a été rédigée apparemment par Khayati et Debord. Et moi ça m'avait beaucoup plu cette littérature et donc j'avais écrit, tout simplement, parce qu'elle était éditée par la fédération des étudiants de l'UNEF de Strasbourg et donc c'est par correspondance que j'étais rentré en contact avec eux. Il y a eu un échange de correspondance et on avait sympathisé avec Debord spécialement, et on s'était rencontré beaucoup à Paris, j'allais souvent à Paris, je dormais chez Daniel Cohn-Bendit, beaucoup, ou d'autres copains, et je voyais les Situationnistes. Ça c'est en '67

 

RG : J'ai retrouvé une lettre de lui à vous dans sa correspondance

 

YC : Oui, je connais, elles sont pas toutes là, il y en a une qui est plus intéressante que celle-là et qui a été manifestement censurée par Alice Becker-Ho, qui assure la publication de la correspondance, à cause de la petite histoire de (inaudible 39:51). C'est la lettre dans laquelle il me proposait d'entrer à l'Internationale situationniste, avant notre rupture. Et cette lettre-là elle l'a pas mise, mais je l'ai, enfin je peux la retrouver. Je suis pas très archiviste mais mon fils en a une copie, le fils de Gwenolène justement, mais c'est une lettre qui a été écrite après '68, en '68 d'ailleurs sans doute, en fin d'année '68

 

RG : Parce que la rupture s'est passée à quel moment ? 

 

YC : Je dirais en '69, quelque chose comme ça

 

RG : Qu'est-ce que ça représentait pour vous l'Internationale situationniste ?

 

YC : Pour moi c'était des gens très séduisants parce que très intelligents, il me faisaient découvrir un tas de choses auxquelles je n'avais pas pensé, en particulier la thèse de la société du spectacle, la critique de l'urbanisme, des tas de choses comme ça. Enfin toute cette critique moderne de la société qu'ils ont apporté. C'était l'héritage des Lettristes, j'ai découvert après à quel point Debord avait pillé pas mal les Lettristes, Isidore Isou, c'était ce souffle intellectuel-là qu'ils apportaient, c'est surtout ça qui me plaisait chez eux. Ce qui me plaisait pas c'était leur côté sectaire. J'avais des réticences, je les trouvais dogmatiques et sectaires, la suite prouva que j'avais pas totalement tort. Mais cela dit, ils étaient quand même plus malins que les autres, et plus intéressants. Et en particulier - on peut aborder le problème par ce biais-là - je n'ai jamais apprécié, jamais, jamais, jamais, le Léninisme. Je vais parler de mes études de ma première année de Droit, au moins j'ai fait quelque chose. J'ai lu tout Lénine à ce moment-là, mais je l'ai lu en contre, c'était sous prétexte de faire un mémoire ou je sais pas quoi, mais en fait je l'ai lu pour achever de me convaincre qu'il y avait pas d'espoir de ce côté-là, il y avait pas d'avenir du côté de la pensée léniniste. Je me souviens le seul truc qui m'avait plu

 

RG : Mais pour des raisons, parce que vous avez lu Lénine ou parce que vous avez connu les communistes ou le communisme ici ou ailleurs ?

 

YC : C'était parce que j'avais lu, il me semble que la lecture de Lénine allait dans le sens de mes réticences spontanées vis-à-vis de, écoutez, quand on a été élevé par les pères catholiques qui disaient (inaudible 42:34) du communisme, surtout quand on a été anarchiste, c'est-à-dire jeune anarchiste lecteur de Bakunin, Daniel Guérin, il y avait tout, Voline, Kropotkine, c'était ma prière du soir ! Donc quand on a été anticommuniste dès la première Internationale, on peut pas être, se retrouver convaincu par Lénine. Mais j'ai quand même approfondi ça et ça me fait penser, la question que vous posez, ça me renvoie à la question que vous me posiez tout à l'heure – est-ce que j'étais proche de la droite ou de l'extrême droite quand j'étais en faculté ? L'extrême droite non, mais une certaine droite oui, à cause de cet anti-léninisme, cet anticommunisme. J'étais à l'UNEF mais j'aimais pas l'ambiance de gauche, je la trouvais con, je trouvais que c'était pauvre, que du côté de la bourgeoise en somme, en dépit du malaise qu'elle provoquait pour moi, c'était quand même plus intéressant

 

RG : Gauche ou gauchiste, enfin maoïste, trotskiste ?

 

YC : À cette époque-là c'était la gauche. Il y avait pas, il y avait très peu de gauchistes, en '65, '66 je me souviens avoir rencontré en '65 avec Gabriel Cohn-Bendit qui était proche de deux militants - c'était marrant ça -  de deux militants de Lutte Ouvrière qui militaient aux Chantiers de l'Atlantique, en tout cas qui venaient régulièrement distribuer de la propagande aux ouvriers des chantiers. Je me souviens donc on prenait un pot entre Gabriel, puis ces deux connards, parce que je les trouvais comme ça, de Lutte Ouvrière, qui me paraissaient complètement témoins de Jéhovah ou je sais pas quoi. Et on écoutait à la radio les chansons de Peter Paul and Mary, qui chantaient très bien la chanson de Boris Vian « Le déserteur » et je me disais : « Je suis là moi »,. J'étais dans cette ambiance-là de Vian, les Américains anti-militaristes, mais certainement pas les gauchistes. Et même la gauche, à cette époque-là, c'était la SFIO, ils venaient de terminer la guerre en Algérie, j'ai jamais aimé ça, et je trouvais con leur salaire étudiant, il y avait des revendications comme ça, c'était déjà des revendications très utopiques, à la fois utopique, c'est-à-dire il y avait une sorte de marché, et sottes, puisque je voyais bien comment un tel système aurait ôté leur liberté aux étudiants, quand au lieu des études que je faisais, totalement décousues et en gagnant mon pain, je voyais pas pourquoi. Ça me renvoyait à l'expérience des élèves inspecteurs, où on vous payait mais à condition que vous vous soumettiez. Donc cette réticence-là n'a été que approfondie sur le plan théorique, par la lecture de Lénine, mais ça c'est une constante

 

RG : Et la guerre du Vietnam ?

 

YC : Alors, c'est marrant parce que j'en parlais avec, je sais pas si vous avez rencontré Jean Breteau

 

RG : Je vais le voir demain

 

YC : Vous pouvez lui parler de ça, parce qu'on était, on s'est connu un peu avant '68, pas beaucoup avant '68, mais un peu quand même. '67 si je me souviens, il m'avait envoyé une lettre de félicitations pour mon mariage. Donc on se connaissait bien à ce moment-là, et il était dans le bureau de l'UNEF également. Jean Breteau était très Comité Vietnam de base, c'est-à-dire contre les Américains et pour le Vietnam. Bon j'exagère un peu, parce qu'il était quand même pas aveugle à la réalité stalinienne. Mais en tout cas, moi je faisais bien attention à dire d'accord pour militer contre les impérialistes américains, mais certainement pas au profit de Ho-Chi-Min et sa bande. Et c'est rigolo parce qu'on a toujours le même genre de, lui il est socialiste, et pas moi, c'est drôle, les choses naissent tôt apparemment. Donc les liens avec les Situationnistes, qui sont des liens amicaux, de fait, épisodiques mais enfin sympa, et puis de discussion, d'échange, mais on est quand même très différents, nous à Nantes on est très lié à la classe ouvrière réelle, aussi bien les syndicats, en tout cas FO, voire les syndicats paysans, la CFDT, même la CGT, et lié à ce qu'on appelait les zonards. Ça a été important dans notre perception des choses, qui étaient des jeunes plus ou moins voyous, plus ou moins chômeurs, plus ou moins déclassés, et qui – l'influence situationniste aussi, le culte du blouson noir, quelque chose comme ça, le fait de prendre en compte la révolte des voyous comme quelque chose de significatif politiquement, c'est toujours difficile après d'aller plus loin. Mais en tout cas on était dans cette illusion-là

 

RG : Parce que leur critique était plutôt culturelle que sociale ou... ? 

 

YC : Oui, on disait critique de fait, presque les armes dans la main, de la société. Bon c'était des théories situationnistes ça, c'était aussi la tradition anarchiste, la bande à Bonnot, quelque chose comme ça, et on était, quand j'en reparle maintenant, on était vraiment très rousseauistes dans la conception de l'être humain. Notre idée était vraiment que l'homme est bon, parfait, et qu'il était seulement aliéné, asservi, provoqué par un système. Nous on pensait même des systèmes, le système économique d'une part, le système idéologique aussi, côté idéologie bourgeoise, mais côté aussi idéologies stalinienne, léniniste. Et on se disait que si on réussissait, c'est une reflection qui a pris corps après, au moment de '68, que si on réussissait à débarrasser l'humanité de toutes ces béquilles idéologiques ou des instruments d'oppression, constitués par l'économie, si on réussissait donc à restituer à l'homme sa nature profonde, tout irait bien

 

RG : Mais comment faire ?

 

YC : Là on va rentrer maintenant dans '68, quitte à revenir après. Comment faire ? On avait une solution magique, qui pouvait nous laisser un peu sceptiques. Moi je me souviens en tout cas le moment où j'en discutais avec Vaneigem, donc un autre des Situationnistes, bon il y avait que Cohn-Bendit, j'étais un peu sceptique, moi j'ai toujours été un peu sceptique. L'instrument c'était l'assemblée générale, autrement dit le pouvoir des conseils ouvriers. Si ces êtres libérés auxquels on rendait leur souveraineté, c'est-à-dire aussi bien les ouvriers que les étudiants, tout le monde, chacun là où il est, et libéré de toute influence extérieure, d'où notre volonté farouche de pas laisser les idéologues léninistes, maoïstes ou communistes récupérer le mouvement

 

RG : Les conseils ouvriers comme en Italie après la première guerre ou en Allemagne après la première guerre ?

 

YC : Voilà, comme à Kronstadt, comme en Aragone, comme à Budapest, c'est cette tradition-là. Les Situationnistes ont beaucoup joué de cette tradition, de la Commune de Paris, d'Aragone, toutes ces choses-là. À mon avis c'est con, c'est une erreur d'analyse, c'est pas le sujet. Mais si on revient à Durruti ou à la Makhnovchtchina, c'était les armées qui étaient censées libérer donc les villages partout, mais qui portait le nom, c'était des armées qui portaient le nom de leur général, on était censé donc voter tous les jours pour élire des chefs. Mais en fait on était un peu en système féodal avec des gens qui, la colonne Durruti, la Makhnovchtchina, leurs noms indiquaient bien qu'on était dans l'illusion, mais nous on était également dans cette illusion-là. On avait créé un petit groupe, je ne pense pas que Breteau en faisait partie, on s'appelait plus ou moins anarcho-éthyliques et on s'appelait Le Tocsin, c'était un peu pour se faire valoir vis-à-vis des autres, ça n'avait pas beaucoup d'existence, mais enfin ça nous permettait de

 

RG : Et qui était là-dedans ?

 

YC : Des gens comme Georges Mathé (?), un gars de Sable d'Olonne, je sais pas ce qu'il est devenu, des noms comme ça qui me reviennent 

 

RG : Des gens de la région ?

 

YC : Oui, c'était à Nantes, c'était des étudiants fêtards, anarcho-fêtards nantais, en s'appelant le Tocsin c'était une reprise de Makhno, qui avait une, je pense à cause de Makhno, qui avait je crois, son armée s'appelait Le Tocsin, Labat, un truc comme ça, ou son mouvement. Mais enfin bon on était dans ce romantisme-là et du point de vue de la pensée, ce qu'on avait de mieux, même sans le revendiquer du tout, c'était Rousseau. Mais pour le reste c'était la soupe situationniste, anarcho-situationniste, donc ce pouvoir international des conseils ouvriers. Donc la discussion avec Vaneigem portait sur les trucs suivant, c'est-à-dire après le début du mouvement des occupations, on se disait : « Qu'est-ce qu'on fait maintenant, on occupe, et qu'est-ce qu'on fait ? » « Bon, on va – je cite Vaneigem, il était venu à Nantes faire un tour – on va fermer toutes les usines qui servent à rien, déjà donc par exemple les fabrications pour aliments pour chiens et chats, etc., on va fermer tout ce qui sert à rien, comme ça on va pouvoir réduire considérablement le temps de travail, et puis les autres on fait repartir la production en autogestion et on se fédère ». Là on retrouvait les fédérations type Proudhon, plus que l'expérience yougoslave, et franchement quand j'ai entendu ça, je me disais : « Mais il déconne complètement, enfin ça peut pas marcher » et je réalise bien en repensant à ce moment-là que j'étais totalement engagé dans le mouvement en ce qu'il était négatif, mais pour ce qu'il y a du positif, il y avait rien, j'avais pas d'idées. Je me souviens d'une manifestation que j'avais convoquée, où j'étais intervenu en '68, et ils étaient partis tous en procession visiter quelques usines occupées à Nantes. Moi j'étais parti boire avec les zonards, bon je dirai pas ce que j'ai fait ce jour-là, je réalise tout d'un coup que mes enfants le liront peut être, c'est dire qu'il y avait pas réellement de perspective, c'était très négatif, mais c'est intéressant que ça soit négatif, Le Tocsin le disait déjà bien, la reprise de cet, même si c'était un peu exagéré par rapport à la réalité

 

RG : Vous publiiez des choses ?

 

YC : Je crois oui, mais j'ai rien gardé. Il y a eu des trucs qui ont été gardés, les situationnistes ont gardé un truc que j'avais écrit, ça c'était du temps du Tocsin, que j'avais pas écrit tout seul, mais j'avais écrit l'essentiel, dans leur bouquin Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations. En postface il y a un programme, c'était marrant, enfin ça s'appelait « Programme minoritaire pour l'UNEF », et on voit que c'était très négatif puisqu'il s'agissait d'assurer une présence révolutionnaire  minoritaire au sein du syndicat étudiant, mais sans militer syndicalement. Enfin c'est un peu compliqué peut être, c'était l'intérêt de notre mouvement, c'est qu'il était – nantais, je parle aussi bien du temps du Tocsin qu'en suite en '68 ou après, quand on a fait le conseil de Nantes aussi, c'était vraiment une fin de période – l'aspiration était très critique, les débouchées théoriques et pratiques étaient pratiquement inexistantes. C'était la révolution qui était souhaitée pour elle-même et ce qui explique quand elle est arrivée, de manière inattendue, on était bien désappointé, et on avait pas vraiment d'idées pour la suite, ce qui a amené des mouvements de désespoir, il y a quand même eu des morts, il y a eu des gens qui se sont détruits, moi même j'ai connu des périodes après ce moment-là pas brillantes. D'abord c'est très difficile je crois d'avoir cette griserie d'un pouvoir même éphémère aussi jeune, ce sentiment de toute puissance qui ne pouvait pas nous habiter, on militait exclusivement pour une révolution impossible depuis des années, elle arrivait

 

RG : Racontez moi un peu cette révolution de '68

 

YC : Vous voyez donc que nous étions dans cette construction du négatif, c'était vraiment le négatif à l'œuvre. Et ça nous avait amenés petit à petit à prendre le contrôle de toutes les bureaucraties du syndicat étudiant à Nantes, parce qu'il y avait des petits moyens, des petits budgets. Il y avait des militants, ça donnait une vitrine et une base d'action, sur la base d'un programme un peu fumeux. Enfin c'est méchant de dire fumeux, un peu imprécis, s'inspirant beaucoup de ce qu'avaient fait les Strasbourgeois, de ce que faisaient en même temps que nous les Enragés de Nanterre, avec Danny Cohn, avec lequel on était en relation, s'inspirant également des discussions avec les situationnistes, on peut dire ça. Et puis il y avait aussi des spécificités locales qui étaient, je crois que ça va être important pour la suite, les liens très profonds avec la classe ouvrière, et même le lumpen-prolétariat

 

RG : Par le biais de gens comme Hébert ?

 

YC : Oui, d'une part Hébert, ça c'était la classe ouvrière. Par nos familles aussi, pour beaucoup, on était de familles ouvrières, on était allé en ombre soutenir les grévistes de '67. Et puis par une espèce de refus d'un devenir bourgeois, quelque chose comme ça, on avait bien conscience, on dénonçait une université qui allait fabriquer les futurs chiens de garde de la bourgeoise. C'était notre vocabulaire, on avait pas envie de devenir chiens de garde de la bourgeoise. Donc ça nous amenait forcement à chercher des solidarités avec les prolétaires et mêmes les sous-prolétaires

 

RG : Est-ce que vous pensez qu'en '68 les liens avec les prolétaires et le mouvement ouvrier ça a mieux marché à Nantes qu'ailleurs ?

 

YC : Beh ça n'a marché qu'à Nantes, ça a commencé à Nantes et après ça s'est propagé mais en étant, ça ça me paraît être vraiment la spécificité objective de ce qui s'est passé à Nantes. J'ai pas besoin de vous raconter à vous cette révolte générale de la jeunesse occidentale et pas seulement occidentale, puisque les Japonais, les Polonais, les Tchèques, il y avait cette révolte de la jeunesse qu'on pouvait percevoir aussi sous le rock & roll, avec les mouvements des hippies, et toutes ces choses-là. Et à Nantes ce mouvement-là, dont nous participions, s'est trouvé avec un héritage anarcho-syndicalistes si on veut, en tout cas l'héritage des luttes sociales qui étaient restées vivaces. C'est comme ça que des gens comme Pelloutier, Aristide Briand, du temps où ils militaient pour la grève générale, tout ça c'était une influence à la fois générale et locale, et c'était intero-commun avec des militants ouvriers comme Alexandre Hébert, surtout lui. On a beaucoup parlé après des paysans, mais les paysans franchement c'était pas du tout la même chose, les gens comme Lambert et tout ça, ils étaient quand même très liés au mouvement social de l'Église

 

RG : Mais vous aviez des contacts avec des gens comme Lambert ?

 

YC : Oui, un petit peu, en '68 il a participé à l'Intersyndicale. C'était surtout Hébert, et puis quelques individualités de la CFDT, et une espèce de relation conflictuelle mais tonique avec la CGT. On s'engueulait mais on les intéressait, et nous aussi, en même temps qu'on les combattait comme staliniens, on les respectait comme ouvriers. On avait ce lien-là par l'Intersyndicale, l'Intersyndicale était vraiment le lieu où passait ce contact-là entre la jeunesse révoltée du monde, section nantaise, et la lutte traditionnelle de la classe ouvrière

 

RG : Et quand vous parlez d'Intersyndicale, c'est un mouvement du comité central de grève ?

 

YC : Non, le comité central de grève, qui était à la mairie, c'était bien moins important que l'Intersyndicale, parce que l'Intersyndicale avait un vrai pouvoir, l'Intersyndicale c'était le représentant au plus haut niveau de chacun des syndicats qui échangeaient, qui planifiaient des manifestations, des prises de parole, c'était un lieu de guerre 

 

RG : Mais qui s'est formé à l'époque ?

 

YC : Qui existait déjà mais qui a pris un sens particulier avec notre arrivée, c'est-à-dire qu'on voit qu'il existait – j'ai lu ça il y a pas longtemps je sais plus où – qu'il existait des correspondances entre la CGT et l'UNEF de Nantes quand elle était tenue par des étudiants communistes. Mais c'était un peu formaliste et ça menait pas très loin, ça emmenait un étudiant à la tribune, bon. Mais évidemment nous avec notre discours incendiaire, participant à l'Intersyndicale, ça tonifiait un peu le débat

 

RG : Donc vous vous en faisiez partie...

 

YC : Quand on a pris le syndicat étudiant, alors je sais pas les dates, Breteau vous dira ça, il connait bien ça. Et puis il y a eu des événements, comme le 14 février, dont on parle beaucoup parce que évidemment c'est le tout début de '68 en France, où le drapeau rouge, drapeau noir sortaient pour une manifestation très musclée, portant des revendications très diverses, mais assez peu dans le fond corporatistes. C'était des revendications générales, mais c'était surtout une revendication, indépendamment des slogans, c'était la revendication de quelque chose d'autre, c'était je crois plus politique que syndicale comme manifestation, la présence du drapeau noir, vous voyez, on imagine pas la présence d'un drapeau noir dans une manifestation corporatiste étudiante traditionnelle, c'était pour dire autre chose, pour se référer justement au drapeau noir du passé, on ressortait le drapeau noir. Il y avait le mouvement dans les cités universitaires, où là c'était encore plus clair, il s'agissait de refuser un règlement, une interdiction qui était faite aux garçons d'aller chez les filles et aux filles d'aller chez les garçons, ça c'est un combat qu'on a partagé avec Nanterre ça

 

RG : Vous étiez impliqué là-dedans

 

YC : Oui, oui, la première occupation de cité, c'était les cités des filles, c'était pas mal

 

RG : Ça c'était fin '67

 

YC : Oui, c'est ça. Il y avait aussi la lutte en faveur des Grecs du temps des colonels, il y a eu le coup d'État des colonels, il y avait des étudiants grecs à Nantes, on militait avec eux contre le régime des colonels

 

RG : Vous avez des noms en particulier ?

 

YC : Oui, il y avait quelque chose, parce qu'il y avait des affiches. Je me souviens on avait fait des affiches ici, qu'on avait collées ici. Je crois que j'avais été arrêté en collant des affiches pour la démocratie grecque. On mélangeait allègrement dans un joyeux fourre-tout des revendications très internationales – le Vietnam, la Grèce par exemple – et on avait contacts internationaux aussi, beaucoup par l'Internationale situationniste, avec des Italiens, bon, et en même temps on avait des revendications très liées à la vie quotidienne. Je renvoie aux travaux des situationnistes là-dessus ou de Lefebvre sur la critique de la vie quotidienne, ça nous parlait bien ça, c'est comme ça qu'on avait été amené à fermer le bureau d'aide psychologique universitaire, on prétendait résister au formatage de la pensée par des psy qui nous auraient aidés à avaler le système. Enfin c'est cette idée, c'est les Strasbourgeois qui l'avaient fait en premiers, nous on l'avait fait après, de même que les invasions des cités, je crois que les premiers c'était à Nanterre et chez nous après, mais par contre le drapeau noir dans la rue, vous voyez. Il y avait ce petit peloton entre Nanterre, Paris, Strasbourg, Nantes surtout, mais il y avait aussi Lyon

 

RG : Les communications étaient par des gens qui voyageaient, par téléphone ?

 

YC : Presque par téléphone, par correspondance et puis par déplacement, par voyage, on avait des gens qui venaient, qui restaient quinze jours, trois semaines, des gens de Nanterre, (inaudible, 1:09:17), Danny Cohn est venu à Nantes, je me rappelle d'un match de foot à Marcel-Saupin avec lui, nous on allait à Paris, c'était la fête. J'ai pas été à Strasbourg, j'ai été à Bordeaux, Toulouse un peu après, il y avait des échanges comme ça, j'étais à Turin, à Pâques '68

 

RG : Vous avez un contact en particulier à Turin ?

 

YC : Je me rappelle plus ; oui on était aller voir quelqu'un, une fille qui était en rapport avec les Situationnistes. Les contacts internationaux c'était beaucoup quand même par les Situationnistes, qui avaient cette position internationale, évidemment par définition, qui étaient plus expérimentés, plus âgés que nous, ils avaient dix, quinze ans plus que nous, on était des jeunots. Le 14 février, le mouvement qui s'enclenche à Paris, du coup le 13 mai ici, et le 13 mais c'est important aussi, c'est là qu'on a attaqué la Prefecture – Breteau vous en parlera très bien parce qu'il – et c'est le lendemain que la première usine a été occupée en France avec Sud-Aviation. Et ça c'est vraiment l'apport nantais au mouvement, c'est cette articulation de la jeunesse étudiante, mais plus généralement la jeunesse du monde révolté, et la classe ouvrière. Parce qu'après le mouvement c'est répandu, mais la CGT en particulier était assez puissante partout pour empêcher la jonction, et nous on l'assurait la jonction par l'Intersyndicale et par des manifestations

 

RG : Qui se rencontrait où ?

 

YC : À la Bourse du travail en général. Soit à FO, soit à la CGT, et c'était dans le même coin, rue Arsène Leloup. Et ça c'était quelque chose de ludique, cette place qui n'était pas qu'un strapontin, qu'on avait à l'Intersyndicale, parce que le vrai pouvoir, c'était les syndicats pendant la crise la plus cruciale, pendant un mois, un mois et demi, c'était l'Intersyndicale, c'est elle qui a créé le comité central de grève, mais qui n'en était qu'une émanation, un peu laborieuse, moi j'ai tendance à considérer que c'était un peu folklorique

 

RG : Parce qu'il y a un tas de gens, je pense que ça a commencé avec les Cahiers de mai et avec la lutte de Yannick Guin, qui parle de la Commune de Nantes, il pense que c'est rien du tout, que c'est exagéré

 

YC : C'est un peu exagéré, c'est très franchement exagéré, on a protesté que mollement, parce que c'était quand même bien pour nous (Rires de RG et YC) ! Ce qui était du spectacle a du bon, c'est vrai que c'était pour notre aura en France et en Europe, c'était pas mal ! J'ai dit ça à Guin un jour : « Tu as fait un mauvais livre, mais dans le fond ça parlait de nous ! » (Rires de RG et YC)

 

RG : Et ça, ça a duré le mois de mai, puis s'est terminé ?

 

YC : On a été quand même à Nantes parmi les derniers à entrer, les dernières usines, c'était à Nantes que ça se passait, c'est à dire qu'on est rentré dans l'ordre en se disant – on était jeune et plein d'espérances – qu'on allait reprendre ça à la rentrée. L'essence avait été redistribuée, les gens partaient en vacances, mais on allait reprendre le truc à la rentrée

 

RG : Et qu'est-ce qui se passe à la rentrée ?

 

YC : Beh à la rentrée on a créé un truc qui s'appelait le Conseil de Nantes, c'était aussi exagéré que la Commune de Nantes, puisqu'on trouvait que « conseil » en faveur de, c'est dans le cadre du mouvement conseilliste, donc on a dit : « On va l'abréger, le Conseil de  Nantes », on a créé un truc, on a démissionné avec fracas de toutes les structures bureaucratiques étudiantes qu'on contrôlait encore, l'AGEN-UNEF, la MEDEF, l'association des étudiants en Lettres que présidait Breteau, vous voyez des choses comme ça, et on a démissionné de tout ça et on a créé le Conseil de Nantes comme une assemblée souveraine, pas très nombreuse, qui comptait des ouvriers, des employés, on était dans l'illusion lyrique de la poursuite de l'aventure des conseils ouvriers qui n'avait pas vraiment commencé. On a tenu pendant un bon moment comme ça, sur des bases très anti-léninistes, on était contre les comités de base, je sais pas quoi, il y avait des comités comme ça un peu partout, mais qui étaient tenus par les léninistes, qui refaisaient le coup des bolchéviks et nous on était contre ça. J'ai écrit un truc, un texte, je sais pas où c'est, je pourrais le retrouver, qui avait été soutenu à l'époque par – on était encore copains avec les situationnistes – par Guy Debord, c'est « Adresse aux comités de base », et c'était justement : « Défendez vous des influences des idéologies, gardez la maîtrise de votre destin » pour simplifier beaucoup 

 

RG : Et il y avait des liens avec des paysans à ce moment-là, avec ce Conseil de Nantes ?

 

YC : Des paysans, je crois pas, non. Les paysans ont toujours été à part, ils ont bien joué spectaculairement, en particulier en étant filmés lors d'une manifestation où ils étaient venus trois mille à Nantes avec des tracteurs, etc., ils ont rebaptisé la place Royale la place du peuple, ce qui fait que défilent tout le temps ces images-là, scènes de commémoration, mais dans le fond c'était pas du tout au cœur du mouvement, c'était la campagne qui venait apporter son soutien à la ville

 

RG : Et quand vous dîtes que vous avez soutenu Sud-Aviation, le rapport, comment ça fonctionnait ?

 

YC : Sud-Aviation a été mis en grève par les trotskistes et anarchistes de FO, qui étaient avec nous dans la rue contre la Préfecture la veille. Vous connaissez sûrement cet épisode-là, lors de l'attaque de la Préfecture, il y avait eu une negotiation entre certains profs syndicalistes de la CGT et le Préfet, et le Préfet s'est engagé à retirer les plaintes qui étaient dirigées contre moi, comme président de la AGEN-UNEF, il y avait des plaintes à cause de la manifestation du 14 février, et puis un truc en diffamation, et puis je sais plus quoi, je m'en foutais éperdument, je m'occupais pas de ça, ça faisait un objet de revendication, le retrait des plaintes et il avait rétabli, c'était surtout ça, la subvention à l'AGEN-UNEF, que nous avait supprimée le Conseil général à la suite du 14 février. Je crois que c'était un million à l'époque, non, ça aurait été dix mille francs évidemment, c'était assez important à l'époque et on avait mis cette subvention à la disposition du comité de grève de Sud-Aviation. Alors, je ne sais plus comment, je suis à peu près sûr que c'est vrai, vous savez quarante ans après c'est difficile, je ne sais plus comment ça c'est fait, je n'exclue même pas que ça soit simplement une promesse qui n'a pas été suivie des faits, je n'en sais rien, mais en tous les cas, la décision politique avait été prise de mettre cet argent-là à la disposition du comité de grève de Sud-Aviation. Il y avait beaucoup de visites au piquet de grève de Sud-Aviation, c'était assez sympa, il faisait beau, c'était dans tout à fait cette ambiance de discussion soixante-huitarde, il y en avait sur les places en ville et puis il y en avait aussi dans certaines entreprises ou usines occupées, en fac de Lettres aussi beaucoup. Mais ça c'est l'esprit de mai que tout le monde a pu connaitre

 

RG : Et vous avez pris la parole en public de temps en temps ?

 

YC : Oui

 

RG : Ça c'était comment ?

 

YC : Des fois beaucoup, le 13 mai par exemple, je me souviens de ça parce que je me souviens que c'était un très beau discours, parce que je faisais le tour du monde en disant que ce mouvement que nous représentions à Nantes et en France, puisque c'était après les premières émeutes parisiennes, il venait de loin, puisqu'à Berkley, à Berlin, bon, et j'avais eu un incident, c'est pourquoi je m'en souviens, j'ai eu un incident avec les communistes, quand j'arrivais à Varsovie, j'évoquais ça et c'était gonflé à cette époque-là, il y avait vingt mille manifestants et là-dessus beaucoup beaucoup de CGT, et quelqu'un de, un certain Molinari, qui s'est suicidé depuis, avait dit : « Ah, on peut pas dire des choses pareilles, c'est pas la même chose ! », il y avait cette, à Nantes on pouvait se permettre de dire ça, à Paris quand Cohn-Bendit le faisait, la CGT n'était plus là, il avait parlé, c'était un peu la même chose, quand il parlait des canailles staliniennes, mais seulement ils n'organisaient pas ensemble un meeting avec prise de parole de la CGT et prise de parole du représentant des étudiants. Et là, tout le monde était là. Je me souviens être intervenu aussi à Saint Nazaire, au sein d'une tribune très intersyndicale, je sais plus ce que j'avais dit, mais enfin c'était, pas de souvenir. J'étais intervenu donc je vous disais tout à l'heure avant une manifestation processionnaire, qui n'avait pas grande chose à demander, oui assez souvent la CGT elle-même demandait à l'UNEF – c'était nous – d'intervenir, bon j'étais président, j'intervenais, Breteau intervenait aussi beaucoup et puis d'autres, il y avait beaucoup de prises de parole à cette époque-là, il y avait des assemblées générales tous les jours, ça parlait beaucoup

 

RG : Et puis après pour revenir à la rentrée et puis la suite, il y a certains qui disent que '68 ce n'était qu'un début, pour vous c'était un début ou c'était une fin ?

 

YC : Oui, je vois ce que vous voulez dire. C'est ni un début ni une fin, c'était une époque charnière, un moment, un passage entre une époque très ancienne à bien des égards, que j'ai bien connue, ça me renvoie vraiment au petit séminaire, et cette société du dix-neuvième qui est presque celle du treizième, oui quand on voit ce film « Le nom de la rose » qui était tiré de, beh moi je connais tous les cantiques qui sont chantés là-dedans, je les connais, je les ai chantés, et je sais pas si c'est au treizième ou au douzième Le nom de la rose, mais il y a quelque chose là qui s'est achevé en '68, ça veut pas dire qu'il y a pas eu la révolution française et puis la révolution partout, les Lumières, etc., mais n'empêche qu'il y a eu en France en tout cas un bon retour en arrière avec le dix-neuvième siècle, une espèce de reprise en main de la société par la religion catholique et ça a continué sans doute à cause de l'affaiblissement de toute la société par la guerre de '14-'18, ça a continué jusqu'à la seconde guerre, ça c'est prolongé avec les Trente glorieuses, où là il y avait des contradictions très fortes entre les appétits nouveaux, l'enrichissement dont on parlait tout à l'heure, et puis les structures anciennes de la société, qui ne collaient plus du tout, et puis tout ça effectivement a été bousculé visiblement en '68, c'était le cas en France mais on trouve des chemins analogues dans les pays comparables, c'est à ce moment-là. Ça a pas été terminé pour autant après '68, mais comme toutes les articulations, c'était à la fois une fin et un commencement, mais je pense que sur le plan des mœurs en particulier, de la vie personnelle, le changement s'est vu très vite, bien avant l'arrivée de la gauche au pouvoir, Giscard-Destaing avait bien compris ça dès '68, il avait fait un discours intéressant, lui il avait très bien compris, Mitterrand n'avait rien compris, ni Mendès France, ils étaient partis sur des chemins anciens, mais Giscard il avait bien compris que, c'est comme ça qu'il a légalisé l'avortement, le divorce par consentement mutuel, la majorité à dix-huit ans, des tas de choses qui n'allaient pas d'elles-mêmes, la preuve c'est qu'il a fallu attendre '74 pour que ça se fasse. La gauche, elle, à mon avis, a profité du souffle soixante-huitard, alors qu'elle n'y était pour rien du tout, et qu'elle en a rien fait, sinon de vendre de l'illusion, avec irresponsabilité, c'est l'homme de droite en moi qui réagit, qui n'est pas du tout content de ce que la gauche mitterrandiste a pu faire de soixante-huit, c'est pratiquement rien, enfin il me semble, alors que toute la société, dans toutes ces composantes, l'Église catholique, le parti communiste, l'armée, toute la société a été modifiée de front en comble par '68, et la gauche au contraire autour du parti socialiste a sauvé une ancienne conception d'elle-même, très proche de la SFIO, du Front populaire

 

RG : Et vous même vous avez continué à militer après '68 ?

 

YC : Non. Après '68, j'avais fortement contribué à créer le Conseil de Nantes, mais il y a eu des histoires là-dedans, comme toujours quand il y a des défaites et des règlement de comptes, là il y a eu des tiraillements très violents, des choses indignes même, pas tellement à l'intérieur du Conseil de Nantes, mais il y a eu des pamphlets, des trucs vraiment dégueulasses, je me suis dit quand même à ce moment-là, heureusement qu'on a pas pris le pouvoir parce que ça aurait été chouette, le retour aussi contre les autres, on s'étonne de voir la terreur s'installer, les procès, c'est presque fatal, parce que quand on prend le pouvoir avec trop de contradictions, on peut rien en faire, donc on sauve la conscience qu'on a des choses par tous les moyens, et bon on crée des catastrophes. On avait des discussions comme ça au Conseil de Nantes, je me souviens certains d'entre nous disaient aux autres : « Quand vous aurez pris le pouvoir on passera tout de suite dans l'opposition ! », on avait cette conscience-là, et bon j'ai quitté le Conseil de Nantes un petit peu avant qu'il ne s'auto-dissolve, il n'a pas duré longtemps, il a duré un an. C'est aussi quelque chose dont on peut être assez content, à Nantes, c'est qu'on est peut être des anciens combattants de '68, de '67, '66 et années précédentes si on veut, chacun à sa manière, mais on est pas des anciens combattants des années soixante-dix, alors que la plupart de nos homologues à droite et à gauche, avec « Libération » et tout ça, « La cause du peuple » et tous ces machins, c'était après

 

RG : Tandis que vous, c'était déjà terminé

 

YC : Nous quand on a vu que ça foirait et qu'on avait pas d'espoir de réussir la révolution, quelque part peut être on s'en réjouissait, parce que ces discussions que j'évoque, c'était des prises de conscience avortées, ce qui a pu en amener certains au suicide, sous différentes formes, mais on a fermé le livre assez vite, et on a bien fait. Et on a laissé les autres récupérer, les gauchistes d'abord et après l'Union de la gauche. Moi j'ai toujours été contre l'Union de la gauche, je trouvais que c'était une imposture et j'aimais pas ça, alors ça m'a pas amené pour autant à aller militer à droite, c'est assez difficile, même si objectivement mes idées étaient peut être largement autant de droite que de gauche, aussi de droite républicaine que de gauche, en tout cas pas socialiste

 

RG : Donc en '81 vous avez voté pour qui ? 

 

YC : Franchement je tiens beaucoup au caractère secret du scrutin (Rires de RG), non mais j'ai pas de mémoire de ça, je sais pas, c'est pas impossible que j'ai voté pour

 

RG : Mais vous avez pas salué l'arrivée au pouvoir de la gauche ?

 

YC : Non. On était content de voir l'autre partir, même si lui il avait bien compris ce qu'on pouvait tirer de '68, on était pas juste, il y avait une joie populaire, une illusion très forte de retour du mouvement soixante-huitard, et puis Lang, Mitterrand, ont très bien su y faire, Badataire (?), on était les derniers en Europe à abolir la peine de mort et c'était le non plus ultra de la révolution mondiale, moi je considérais ça, dès le début, comme une imposture. Donc j'ai pas milité du tout pendant tout ce temps-là. J'ai fait mon métier, j'étais avocat assez tard, en '75 je suis devenu avocat, j'ai voyagé beaucoup, j'ai travaillé en Bulgarie, j'ai fait pas mal de choses, j'ai travaillé donc à l'ASSEDIC, j'ai fait beaucoup de métiers, j'ai toujours travaillé, j'ai toujours gagné ma vie

 

RG : Mais pas inspecteur des impôts

 

YC : Non (Rires de RG), j'ai seulement échoué à l'examen, j'étais chargé d'études sur l'emploi à l'ASSEDIC, j'étais employé aux Écritures, j'étais agent de voyage, et puis vers trente ans je me disais, et jusqu'à ce moment où je me suis posé la question, j'étais dans la fidélité be-bête à '68, grosso modo : il faut rien faire, comme on a pas pu faire la révolution, il y a rien d'intéressant à faire, et bon on ne fait rien. Révolution culturelle et individuelle, il m'est revenu un souvenir d'autostop quand j'étais des jeunes lycéens et que j'allais à Paris voir ma fiancée hollandaise que j'avais rencontrée dans le cadre des camps internationaux de travail, en revenant en stop j'avais été pris par un avocat, à l'époque c'était sympa l'autostop, il y avait pas trop d'agressions et les gens prenaient des autostoppeurs pour parler et comme ça, une espèce de psychoanalyse gratuite, sans conséquence, lui aussi était devenu avocat à trente ans, et il m'avait dit qu'il s'était dit, un peu avant d'avoir trente ans, que c'est à trente ans qu'on devient un raté. Et donc moi j'étais en Bulgarie, j'étais agent de voyage, c'est à dire en fait la vie de patachon, ma mère m'avait tellement dit que je plairai pas aux filles qu'il fallait que j'achève de me convaincre du contraire, aussi bien les touristes que les Bulgares, mais sans parler de la Slivova et de tous les bienfaits terrestres qu'on peut trouver là-bas, j'allais beaucoup à Istanbul aussi, j'étais à Moscou également et c'était une expérience intéressante, et je reviendrai à mon propos, elle m'a confronté au communisme réel, et ça a plutôt été une bonne surprise, j'étais tellement anticommuniste que j'étais persuadé vraiment de trouver – c'est un peu la même chose quand je suis devenu avocat – de trouver quelque chose d'abominable, monstrueux, en réalité j'ai trouvé quelque chose de pas terrible sur le plan de la vie individuelle, je disais : c'est l'ambiance des Postes appliquée à toute la société, c'est-à-dire c'est très triste mais il y a au moins cet avantage pour le petit peuple qu'il n'est pas confronté à l'envie des privilégiés, et ça me déplaisait pas ce côté, le côté fraternel quelque part de cette société, où on fêtait l'anniversaire – moi je travaillais dans le tourisme – des filles de salle tous ensemble, le manager de l'hôtel et le représentant étranger et les clients de l'hôtel, on fêtait l'anniversaire de la fille de salle, des choses qu'on ne fait pas dans notre univers. Pour tout vous dire je suis revenu de là-bas toujours très anticommuniste mais avec l'idée qu'on pourrait mieux se comporter avec les prolétaires, il suffirait d'y mettre plus de respect, d'humanité et puis personne n'aurait envie de communisme, ni même de socialisme, me semble-t-il, mais bon ça a participé aussi de ma reflexion. Je ferme cette parenthèse sur la découverte du communisme et je reviens à ce moment de ma vie où je me disais que j'allais devenir un raté, toujours faire la fête, j'avais quelques spécimen de vieux dans mon genre d'alors et ça ne m'enthousiasmait pas, et donc je suis revenu à Nantes passer en catastrophe mes examens pour être avocat. En fait j'avais pas fait d'études

 

RG : En '75

 

YC : Oui, c'était en '75, et j'étais reçu premier au CAPA, Certificat d'aptitude de la profession d'avocat, et donc je suis devenu avocat à ce moment-là

 

RG : Et vous avez parlé d'un premier mariage

 

YC : Oui, j'étais encore marié à ce moment-là avec Gwenolène, on s'est séparé en '79 et on a divorcé plus tard. Puisqu'on a quand même gardé de notre passé anarchiste, ou en tout cas j'ai gardé, l'irrespect pour les conventions, et donc je ne voulais pas engager de procédure. Donc on est resté, d'ailleurs entre temps j'ai eu deux autres enfants d'une nouvelle union libre avant qu'on finisse par divorcer et du coup je me suis remarié, je suis toujours marié avec une femme avocate, mais qui travaille pas avec moi pour le moment

 

RG : Dernière question : quand j'ai cherché votre nom, j'ai vu que vous étiez adjoint au Maire, donc vous avez été élu au conseil municipal à quel moment ?

 

YC : Ça en '89. J'ai donc fait trois mandats avec Jean-Marc Ayrault, j'étais au début au conseil municipal chargé du tourisme, c'était un poste extrêmement modeste, que j'avais eu beaucoup de mal à obtenir parce que j'étais pas soutenu par un parti quelconque. J'avais une idée, je voulais être élu municipal, c'était difficile du point de vue culturel un peu pour moi, comme pour devenir avocat, mais je voulais le faire parce que je m'intéressais beaucoup à ce moment-là à la psychologie de Jung, à la conscience collective et j'étais convaincu qu'il y avait eu une tentative en '85 de faire à Nantes – j'avais pas participé à ça – de faire une exposition sur le commerce triangulaire, Nantes était le premier port négrier de France, et la droite avait refusé, c'était Michel Chauty qui était Maire à ce moment là, avait refusé cette exposition, ça m'avait troublé, ça m'avait renvoyé à cette histoire d'inconscient collectif et je m'étais dit que Nantes souffrirait tout le temps – j'aime beaucoup ma ville – souffrirait tout le temps d'un certain complexe si elle n'élucidait pas des pans de son passé qui lui causaient du tort. Il y a des tas de chapitres, il y a la révolution française, je pense qu'on a pas traitée encore parce que la gauche évidemment ne voulait pas s'en occuper, mais il y avait ce passé négrier-là. Et donc je suis rentré avec un programme, qui était de dire, de vouloir exprimer la leçon posthume des négriers nantais, en '88 j'avais écrit ça, et j'avais essayé de convaincre Ayrault, donc le futur maire de me prendre pour faire ça. En réalité il m'a pas pris à cause de ça, il m'a pris parce que j'étais l'avocat de FO et d'Alexandre Hébert et qu'il craignait une liste trotskiste aux municipales et donc

 

RG : Pour vous acheter ?

 

YC : En somme, mais c'était un sport très amusant, parce qu'il fallait que je dise sans arrêt que évidemment j'étais pas devenu trotskiste, que j'étais pas socialiste non plus, que j'étais pas communiste, j'étais rien du tout de tout ça, mais comme indépendant j'avais la conscience de Jean, comme d'Alexandre Hébert, et lui disait ça aussi, qu'il regarderait avec un minimum de sympathie la liste d'Ayrault si j'étais dedans. Donc c'était société civile mais supposée atténuer les difficultés avec une frange des trotskiste, qui auraient pu, en réalité ils avaient pas du tout l'intention de présenter une liste, donc j'ai vendu avec l'aide de mon ami Alexandre l'absence prévue de liste trotskiste pour me retrouver sur la liste. Je me suis occupé donc d'une exposition qui était présentée à Nantes qui s'appelle « Les anneaux de la mémoire », on a créé une association, tout ça, Breteau fait partie, c'est lui qui a inventé l'appellation « Les anneaux de la mémoire » et on a fait une exposition à Nantes, au château, qui était visité par quatre cent mille personnes

 

RG : Sur le passé négrier ?

 

YC : Oui, c'était la plus grande exposition du monde

 

RG : C'était à quel moment ?

 

YC : De '92 à '94. Du coup le Maire m'a trouvé pas mal et m'a donné la responsabilité des relations internationales pour un deuxième mandat. Et après il a eu des problèmes avec la justice, c'était un miracle pour l'avocat pénaliste que je suis, et donc il m'a gardé pour un troisième mandat (Rires de RG). Malheureusement c'est fini tout ça, donc il m'a pas gardé pour le quatrième, et comme il m'a joué un tour de cochon, politiquement c'est très banal, il m'a fait croire jusqu'au dernier moment qu'il me gardait, et que je continuerais donc à travailler aux relations internationales de la ville de Nantes, ce qui m'intéressait beaucoup. Je considère que l'émancipation politique des villes c'est important et que leur politique internationale de coopération décentralisée en particulier avec des villes d'Afrique, d'Amérique, d'Haïti, ça m'intéressait beaucoup, et il m'a emmené jusqu'au dernier moment pour que je n'ai pas le temps de faire une liste, et donc j'étais furieux, j'ai cherché à me présenter quand même, bon et c'est là que j'ai pris contact avec la liste d'opposition qui était ravie de m'accueillir dans ses rangs et j'ai été élu conseiller municipal il y a donc un mois. J'ai démissionné aussitôt, parce que c'était difficile de me trouver au conseil municipal avec mes anciens copains, donc je suis à nouveau un homme libre, voilà

 

RG : Bon, je crois qu'on peut terminer là, je vous remercie infiniment

 

YC : Beh écoutez, j'espère que j'ai pas été trop bavard...