Christiane and Pierre Burguière
name of activist |
Pierre Burguière |
date of birth of activist |
13 April 1943 |
gender of activist |
M |
nationality of activist |
French |
date and place of interview |
Le Camper du Larzac, 2 May 2008 |
name of interviewer |
Robert Gildea |
name of transcriber |
Nora Khayi |
name of activist |
Christiane Burguière |
unmarried name/alternative name of activist |
|
date of birth of activist |
2 July 1946 |
gender of activist |
F |
nationality of activist |
French |
date and place of interview |
Le Camper du Larzac, 2 May 2008 |
name of interviewer |
Robert Gildea |
name of transcriber |
Nora Khayi |
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CB : Mais enfin donnez-nous un ordre parce que…
RG : Oui, alors allez-y, alors s'il vous plaît, pour tous les deux, est-ce que vous pouvez me dire votre nom et puis votre date de naissance ?
CB : Alors moi je m'appelle Christiane Burguière
RG : Oui, allez-y Oui
CB : Je suis née le 2 juillet 1946 à Millau
RG : A Millau
PB : Et moi Pierre, je suis né le 13 Avril 43 à Bozouls, c'est toujours dans le département de l'Aveyron mais plutôt vers le nord du département
RG : Vers le nord, oui, et deux mots sur votre famille, enfin vous c'est la famille de …
PB : Jean-Marie oui
RG : de Léon
PB : Léon le fermier, était le fils de Léon
RG : Et j'allais vous demander c'était un, ce qu'on disait dans le temps un patriarche ?
CB : Un patriarche
RG : Patriarche
PB : C'était, peut-être pas un patriarche, le patriarche c'est, c'est ce que, nous on en a fait, mais c'était un notable
RG : Oui
PB : A l'époque, il était engagé dans beaucoup de, de d'organisations, il était membre de conseils d'administration, de mutualités sociales agricoles, du Crédit agricole, de la, Groupements, tout un tas de trucs, juge au tribunal paritaire et tout. Et c'est vrai que nous on ne l'a pas du tout remplacé dans ces trucs-la, et on n'a pas voulu
CB : Oui mais justement c'est important ça parce que le fait qu'il était notable, comment vous dire
RG : Oui
CB : il était déjà conscientisé par beaucoup de, de problèmes, il était, puis il y avait quand même étudié aussi. Donc quand l'affaire du Larzac est arrivée, il venait juste de prendre sa retraite et tout de suite...Nous on était très jeunes, moi j'avais 24 ans, Pierre avait 27 ans
RG : Oui
CB : et tout de suite c'est lui qui a pris un peu le bâton de pèlerin, avec Guy Tarlier, Pierre Lore, l'industriel de Rochefort
RG : Oui
CB : qui étaient beaucoup plus âgés que nous et c'est eux qui ont démarré un petit peu. Le père de Pierre avec Guy Tarlier et Pierre Lore ils allaient faire des réunions un peu partout en France pour essayer de sensibiliser les gens
RG : Oui d'accord, quand vous dites qu'il avait fait des études, il a
PB : Non des études pour son époque
RG : Oui secondaire
PB : Oui secondaire oui
CB : Oui
RG : Au collège
PB : Oui dans, c'était un noviciat
RG : un noviciat ?
PB : C'était pour des frères, ce qu'on appelait à l'époque les Frères des Écoles Chrétiennes
RG : Oui d'accord mais il n'est pas devenu un…
CB : Mais il était chez…
PB : Les Marianistes, euh Maristes,
CB : Maristes
PB : les Frères Maristes oui
RG : dans le département ?
PB : A Montauban
CB : Montauban oui
RG : Mais il n'est pas devenu mariste bien sûr
PB : Non, non, non
RG : Et vos parents à vous ?
CB : Mes parents ils étaient agriculteurs à côté de Millau, aux portes de Millau
RG : Oui
CB : et mon père est mort à presque cents ans dans la maison ou il est né, c'est-à-dire
PB : Dans la chambre
CB : qu'il a vécu cents ans dans la même maison, dans la chambre
PB : Dans la chambre ou il est né (rire de RG)
CB : Et mon frère a toujours, a repris l'exploitation, maintenant il vient de prendre sa retraite
RG : La chambre
CB : et il a son fils qui… (rire) non c'est le fils de ma sœur, enfin c'est resté dans la famille voilà
RG : D'accord
CB : Et ils nous ont aussi toujours soutenus pendant la lutte du Larzac et je pense qu'on a donné beaucoup de soucis à nos parents. Parce que bien souvent ils ne savaient pas où l'on était, qu'est-ce qu'on faisait, quand on allait faire une action la nuit on ne leur disait pas. Ils ne l'apprenaient pas par les journaux mais ils l'apprenaient quand l'action était passée
PB : Et ils nous ont toujours soutenus, c'est ça la chance qu'on a eu c'est qu'au niveau familiale…
CB : Nos deux familles
PB : Aussi bien des deux cotés
RG : Oui
PB : Il y avait un partage de, de la lutte à 100%
RG : Oui d'accord
PB : Pas, non pas d'engagement
RG : Votre père était engagé mais votre père à vous il était ?
CB : Non il venait toujours aux manifestations, aux rassemblements, mais il ne venait pas aux réunions
PB : Il venait soutenir au tribunal et tout…
CB : Alors que son père venait…et puis son père il faisait le refus de, quand il y a eu le refus d'impôts, c'était lui qui s'en occupait, qui envoyait des lettres aux gens
PB: Qui faisait le trésorier
CB : Il était trésorier de la PAL, de l'Association pour la Promotion de l'Agriculture sur le Larzac et qui est devenu l'Association pour l'Aménagement du Larzac
RG : D'accord
CB : Cette association a été crée a la fin de 1971, elle dure encore
RG : Ah oui d'accord
PB : mais sous un autre, on a changé …
CB : Maintenant elle s'appelle l'Association pour l'Aménagement du Larzac
PB : Voilà
CB : Mais à l'époque elle a été créee pour la lutte, c'était l'Association pour la Promotion de l'Agriculture sur le Larzac…
PB : Pourquoi on avait crée cette association ?
RG : Oui
PB : Parce que les pouvoirs publics n'avait, ne faisait aucun investissement sur la région du Larzac, comme dans beaucoup d'endroits, enfin le Larzac en particulier. C'était un pays, c'était un désert, d'ailleurs Debré quand il présentait le Larzac, il avait été même dit que les, les corbeaux prenaient la musette pour traverser le Larzac, c'était dire c'était un désert, c'était la Sibérie française. Debré appelait le Larzac la Sibérie française
RG : Oui d'accord
PB : Alors c'était un tissu de mensonges parce qu'au moment où il disait ça, il y avait déjà un certain nombre de jeunes agriculteurs qui s'étaient installés, il y avait un renouveau agricole, et c'était la région de France ou il y avait au début de la lutte du Larzac, en 70-71. Il y avait le plus de GAEC, c'est les Groupements Agricoles d'Exploitation en Commun
RG : Oui
PB : Il y avait le plus de jeunes agriculteurs qui étaient chefs d'exploitation
RG : Oui
PB : C'est là où il y avait une quantité d'enfants puisqu'on a ouvert une école sur Larzac, pas ré-ouvert
RG : Oui
PB : Ouvert carrément
CB : Crée
PB : une école
CB : Crée une école et…
RG : A quel endroit ?
CB : A côté là, à 500m
PB : Au dessus de l'Hôpital juste a coté
CB : Entre la Ferme de l'Hôpital et chez nous
RG : D'accord
PB…En triangle oui. Donc c'était, c'est dire que, et c'est la quand on revient en mai 68, ou il y avait une certaine presse, on lisait une certaine presse, on regardait la télé, et qui était vraiment aussi au, alors on ne lisait pas des journaux de gauche, il faut être honnête
RG : Oui, oui
CB : On était à droite avant
RG : Oui
PB : Et donc on s'est aperçu…
CB : par tradition familiale
PB : Dans mai 68 c'était nos références parce qu'on ne savait pas ce qui se passait. A Millau il ne se passait rien, et au début de la lutte du Larzac quand on a vu comment les medias présentaient le Larzac, comment ils présentaient des actions qu'on faisait
RG : Oui
PB : On a dit « mais on nous a menti, mais on nous a menti alors tout le temps, ce n'est pas qu'aujourd'hui qu'on nous ment »
RG : Oui
PB : On avait cette naïveté de découvrir
CB : de croire tout ce qu'on entendait, tout ce qu'on voyait
PB : Oui, Oui, et puis de découvrir à ce moment-là qu'on nous avait menti en mai 68. Et on a eu ces réflexions en disant « mais au fond on ne sait pas ce qui s'est passé en mai 68 »
RG : Oui
PB : On regardait la télé c'est tout
RG : Oui, oui, est-ce que, est-ce que je peux revenir un peu en arrière, pour vos études, qu'est-ce que vous avez fait comme études ?
PB : Moi je, j'ai été jusqu'en cinquième, j'ai quitté l'école à 14 ans
RG : D'accord…et c'était l'école à
PB : Ah non j'étais dans un petit séminaire à Saint-Affrique
RG : Ah dans un petit séminaire
PB : Oui
RG : Comme votre frère
PB : Oui, mais lui était au…
RG : Le petit séminaire jusqu' à 14 ans
PB : Oui
RG : Et vous avez quitté, donc vous avez quitté l'école…
PB : A 14 ans
RG : A 14 ans donc c'est en…
PB : J'ai quitté en 5..
RG : En 57
PB : 57 Oui 57, j'ai 57
RG : Et c'était pour ?
PB : Je suis revenu à la ferme, j'ai travaillé depuis sur la ferme, j'ai fait un peu de formation agricole, école d'agriculture un peu quoi pour...C'était, il fallait avoir quand même un peu…
RG : Oui bien sûr
PB : plus de bases
RG : Donc vous avez fait l'école agricole
PB : A Millau là, non, non mais c'est une école tout ce qui avait, c'était dans les seules choses qu'il y avait à l'époque, il y avait la Roque
RG : Oui
PB : Mais après c'était des...j'ai fait des cours par correspondance et l'École d'Agriculture à Millau quoi… l'école d'apprentissage agricole plutôt
RG : D'accord, et vous madame ?
CB : Et ben moi pas plus, pas mieux,
PB : Ah si
CB : J'ai été jusque CAP employé de bureau, j'avais 17 ans quand j'ai quitté l'école parce que, ben après...C'est vrai que on a souffert tous les deux on peut dire à l'école parce que on était dans des écoles d'enfants…
PB : de bourgeois
CB : de bourgeois, lui au petit séminaire et moi à Jeanne d'Arc à Millau. Et j'étais avec des, des enfants de riches et, et j'ai souffert d'une différence que je sentais au niveau de la direction de l'école
PB : De mépris, de…
CB : un petit peu et puis bon c'est aussi que nos parents, mais c'était certainement comme ça pour tous les enfants en milieux ruraux. Quand on rentrait le soir, en fait les études ça ne comptait pas. Il fallait travailler pour le ferme, il fallait, à chaque vacances - on a des souvenirs communs en fait, ou dans le même département on était pourtant pas tout à fait à côté mais on vivait les mêmes choses - il fallait garder les bêtes, il fallait ramasser les gerbes, ramasser les dans les vignes
RG : Oui, Oui
CB : ramasser les fruits, il fallait tout le temps travailler, il n'y avait pas de place pour les études et...Mais ça on le vivait pas mal à ce moment-là mais avec le recul on se dit que
RG : Oui d'accord
CB : Moi parfois j'ai eu des regrets de ne pas avoir travaillé d'avantage, et puis on se mariait très jeunes. Moi je me suis mariée à 19 ans, à 20 ans j'avais mon premier enfant donc c'était..on avait une jeunesse comme ça quoi…
PB : Oui c'était…
CB : Et aujourd'hui c'est différent, quand les enfants se marient à 30 ans passés, mais bon voilà quoi
PB : On passait notre adolescence jusqu'a l'âge adulte à penser à se marier c'est tout
CB : Voilà donc on s'est marié, moi je me suis mariée
PB : Mais on ne regrette rien
CB : On s'est marié en 65 et la lutte est arrivée en 1970. On avait déjà deux filles et donc on s'est jeté pleinement dans cette lutte avec - je ne sais pas si son frère et ma sœur vous l'ont dit hier mais on habitait à ce moment-là là-bas, à la Ferme de l'Hôpital, on n'habitait pas ici
RG : D'accord
CB : On habitait tous ensemble à la ferme, on a vécu la lutte à côté en commun et on a reçu énormément de gens, c'est un point…
PB : stratégique
CB : géographiquement stratégique et donc il y avait beaucoup de cars qui venaient, de journalistes, on était tout le temps avec ma sœur en train de…
PB : faire à manger…
CB : de l'accueil et on avait tout le temps du monde à table, c'était impressionnant quoi
RG : Oui, d'accord
CB : Donc notre rôle, ce n'était pas un rôle de vedette entre guillemets où l'on allait prendre la parole etc. Mais il y a eu des rôles très différents, chacun trouvait sa place voilà
PB : Je crois que ce qu'on peut dire c'est qu'on est passé de l'adolescence à l'âge adulte….
CB : On n'a pas eu de jeunesse, on n'a pas eu de jeunesse, c'est vrai
PB : Voilà, mais on ne regrette rien
CB : On ne le regrette pas parce que on a vécu une, une vie très, très riche et on l'a vit toujours
RG : Oui mais par la suite plutôt
PB : Non, non…
CB : Non très jeunes puisque je vous dis…
RG : Même jeunes
CB : Moi j'avais 24 ans quand en 1970 et lui il avait 27, quand ça a commencé
RG : Oui mais je veux dire, avant la lutte, c'était aussi une jeunesse riche ?
PB : Pff
CB : Ben…
RG : ou moins riche…vous avez découvert ?
CB : Moi j'ai l'impression d'être sortie de l'adolescence et de m'être mariée tout de suite et d'avoir des enfants
RG : Voilà
CB : C'est ça. Donc la jeunesse normalement elle est entre les deux, elle est entre l'adolescence et le rôle de parent…
PB : Mais on vivait la jeunesse que vivait nos, nos voisins à la même époque hein
CB : Oui c'était une époque
PB : et ce n'était pas quelque chose d'extraordinaire, on n'était pas arriéré ou progressiste. Tous les gens, dans le gens qu'on fréquentait c'est-a-dire le milieu rural
RG : Oui
PB : c'était pareil. Et c'est à partir de la, la lutte qu'il y a eu un décalage où l'on s'est, on est toujours resté paysans
RG : Oui
PB : mais on s'est aperçu qu'avec les paysans de...traditionnels qui étaient nos voisins ou même nos amis d'autrefois
RG : Oui
PB : il y a eu un déçalage. C'est-a-dire qu'on n'avait plus les mêmes sujets de préoccupation. C'était nous, c'était plus la terre, notre survie, notre problème économique mais c'était aussi la découverte de l'armée à quoi ça sert, de la violence à quoi ça nous mène. C'est qu'on a fait un cheminement que d'autres ont fait aussi autour de la lutte du Larzac
RG : Oui
PB : Ça c'était, c'est sûr, mais nous en tant que paysans on a fait toutes ces réflexions sous la contrainte. C'est vrai parce que, c'est, c'est même pas sous la contrainte, c'est en se battant contre l'armée, on a fait toutes ces réflexions et toutes ces découvertes qui nous on amenés à nous poser des questions que peut-être ne se seraient jamais posées
RG : Oui
CB : Mais il faut dire que toi quand tu étais jeune tu étais engagé à la JAC, Jeunesse Agricole Catholique…
RG : Oui j'allais poser la question
CB : et là tu avais trouvé, tu avais trouvé quand même un certain équilibre, un certain épanouissement
PB : Oui
RG : Parce que c'était à quel âge la JAC ?
PB : Moi, moi quand j'ai quitté l'école j'ai commencé, à 14 ans j'allais, à 15 ans voilà
RG : Et c'était une formation religieuse ?
PB : Non, non
CB : Ce n'était pas une formation
PB : Non ce n'était pas une formation
RG : Ce n'était pas une formation
PB : La JAC c'était un mouvement…
CB : C'est un mouvement
PB : de jeunes qui…
RG : Oui
PB : qui…
RG : Sous la direction d'un curé ?
CB : Oui
PB : Oui c'est vrai mais ce n'était pas que...alors c'est vrai qu'il y avait beaucoup de respect. Il y avait euh au niveau de la, une éducation de la vie de couple, de comment se préparer au mariage par exemple. Il y avait le, la préoccupation justement - c'est ce que je disais tout a l'heure - ce côté social et humain que la JAC a véhiculé dans le monde rural où notre propre développement le ferait pas tout seul, le ferait tous ensemble
RG : Oui
PB : Et c'est vrai que ça, ça a cultivé, la JAC a donné des Raymond Lacombe, des Bernard Lambert, des Debatisse, bon même si je ne suis pas du tout d'accord avec certains, mais pour moi…
RG : comme Debatisse ?
PB : Non en particulier (rire de RG) Raymond Lacombe et Bernard Lambert sont deux références…
RG : Oui, oui
CB : Mais parce qu'on partage les mêmes options
PB : Non et puis Raymond Lacombe c'était un petit paysan
RG : Il est de ?
CB : Il est de l'Aveyron
PB : Oui, oui …il avait 25 hectares de, il avait 25 vaches, c'est tout. Et c'est vrai que il avait un souci du monde paysans incroyable
RG : Oui, et il était chef de…
PB : Il a était président de la FNSEA
CB : Président…
RG : FN ?
CB : FNSEA
RG : Fédération Nationale ?
PB : Fédération Nationale oui
RG : l'époque du Larzac ou à l'époque ?
PB : Après il a été limogé
RG : Oui d'accord
PB : Pendant la lutte du Larzac il était président de la FDSEA, c'est-a-dire le département
RG : Département d'accord
PB : Et c'est un homme qui nous a toujours soutenu
RG : D'accord
PB : même si il était bousculé parce qu'il y en avait qui lui disaient « ils nous font chier ces gens du Larzac ». Lui n'a jamais fait quelque chose sans, disons sans nous en parler
RG : Oui
PB : alors qu'il y en a d'autres qui essayait de négocier dans notre dos, des responsables agricoles
RG : Oui
PB : Et c'est vrai que Raymond Lacombe, pour beaucoup de gens du plateau, a été une référence et quelqu'un en qui on avait une très, très grande confiance
RG : Oui
PB : Et c'était un grand militant de la JAC, puisqu'il a été responsable national
RG : Mais c'est JAC hommes et ou garçons, et JAC femmes ?
PB : JACF
CB : Moi je n'en ai pas fait partie
RG : Non, et les Chrétiens dans le Monde Rural (CMR) c'est autre chose ?
PB : C'est après
CB : Alors ça on y était…
RG : Après ?
CB : Oui
PB : C'est toujours les mêmes mais…
CB : des couples, c'était plus les couples
PB : C'est les couples
RG : Il y avait plus des couples
PB : Voilà
RG : Donc là vous étiez là-dedans tous les deux ?
CB : On était là-dedans tous les deux et…
PB : C'est ce qu'on appelait le CMR
CB : On était même avant le début de la lutte
PB : Oui
CB : Mais quand la lutte a commencé, le prêtre qui s'occupait du groupe, ben dans ces réunions, dans ces rencontres on parlait de la lutte déjà, et le prêtre nous aidait bien à réfléchir. C'était, ça a démarré comme ça en fait nos réflexions un peu sur, autre chose que sur la lutte pour notre coin de terre en fait. C'est-a-dire qu'on a ouvert nos réflexions sur, ce que tu disais tout a l'heure, l'armement, la non-violence…
PB : A quoi ça sert une militaire oui
CB : et tout ça oui, jusqu'à ce que Lanza del Vasto arrive parce qu'il est arrivé quand même au début de la lutte
RG : Oui
CB : six mois après, la première manifestation à Millau, le 6 novembre, 1er mars 1972. Il nous a proposé donc une conférence à Millau sur la non-violence et la déjà on était sensibilisé un petit peu par nos réflexions qu'on avait fait dans le cadre du CMR …donc on y a été…
RG : Le CMR c'était sur le plateau ou à Millau ?
CB : Le CMR c'était sur le Larzac…
PB : Oui mais…
CB : Il y en avait à Millau, il y avait des mouvements un peu partout
PB : C'était l'équipe ici mais il y avait des dizaines d'équipes dans le département
CB : en Aveyron
PB : et on se retrouvait de temps en temps
RG : D'accord
PB : Faut bien comprendre l'importance que la, l'Église a eu dans le, ici en particulier au début de la lutte du Larzac, parce que c'est vraie que ce n'était pas évident. L'Église s'est sentie tout de suite interpellée surtout à cause de la violence dont Debré a annoncé l'extension du camp, c'est-a-dire « j'ai décidé »
RG : Oui
PB : sans que tout, le camp va être porté de 3000 a 17000 hectares, sans aucune concertation et mieux, en disant les négociations sont ouvertes. Mais le camp va se faire, bon ça toujours été ça d'ailleurs. Et l'Église a eu, en particulier l'évêque de Rodez qui était Monseigneur Dubois à l'époque
CB : Non
PB : Si, pas du
CB : Menard
PB : Menard, non
CB : Mais si, c'est celui qui nous a soutenus
PB : Menard oui, Menard pardon
RG : Oui
PB : qui était le confesseur de la famille des comtes de Paris, c'était quelqu'un de très, c'était la haute bourgeoisie, mais qui a été extraordinaire. Il a fait lire dans toute les églises du département le même dimanche une lettre pastorale contre l'extension du çamp
RG : Ah d'accord
PB : et du coup, il a été d'ailleurs, Debré l'a traité de, comment il avait dit, ces, ces évêques ? Enfin il l'a traité de, pas d'idiot mais presque
RG : Oui, parce que normalement, enfin souvent l'Église est plutôt de droite, pour l'ordre établi
CB : Oui
PB : Exact
RG : Mais dans ce cas là
CB : Ah mais ici nous on a eu vraiment un clergé a Millau extraordinaire
PB : Terrible
CB : Ils ont renvoyé leur livrets militaires, pratiquement tous les prêtres à l'époque ont renvoyé…
PB : Après c'était beaucoup plus tard mais…
CB : En même temps que les paysans bien sûr quand il y a eu cette action là, c'est pour dire qu'ils étaient engagés, ils étaient très engagés, ils étaient dans toutes les manifs
PB : Puis c'était beaucoup des anciens…
RG : En soutane ?
CB : Non pas en soutane parce qu'ils l'a portaient plus. Mais tous le savaient qui c'était quoi (rire)
PB : Mais on avait, dans le département à l'époque - il y avait plus de la moitie des prêtres de la même tranche d'âge, même plus
RG : Oui
PB : qui étaient des anciens qui ont fait la guerre d'Algérie et qui ont vu
RG : D'accord
PB : Et ces gens-là - même si ils n'en parlaient pas parce qu'ils ont mis très longtemps à parler comme tous les anciens d'Algérie, très longtemps avant d'en parler - ont commencé à en parler et ces questions qu'ils se posaient ben ils ont commencé à en parler ensemble et à trouver aussi des réponses à leurs questions ensemble
RG : D'accord
PB : Et ça, ça les a énormément motivés par rapport à leur acte
RG : D'accord
PB : Et à soutenir les, les paysans
RG : D'accord, parce que le clergé il ne fait pas le service militaire ?
PB : Non
RG : Non…pas longtemps oui mais pas récemment d'accord ?
PB : Non, non
RG : donc ils ont, ils ont été à la guerre…
PB : Beaucoup ont été en Algérie, ont vu la torture pratiquée et tout, ça les a quand même beaucoup marqués
RG : Oui, et vous avez, vous avez cité Lanza del Vasto mais il n'était pas exactement chrétien ? Enfin il était, il était religieux mais pas, enfin spirituel mais pas chrétien ?
PB : C'était un chrétien d'origine
RG : Un chrétien d'origine
PB : Oui, Oui, catholique, bon c'est un Italien alors
RG : Oui mais son, son truc, l'Arche là
PB : Ah si l'Arche était d'obédience chrétienne quand même
RG : D'accord
CB : Oui…puis ils habitaient, ils n'habitaient pas très loin du Larzac aussi
PB : Oui
CB : Leur communauté dans l'Hérault, la communauté de la Borie Noble dans l'Hérault
RG : Oui
CB : C'est à trois quarts d'heure d'ici
RG : Oui, oui
CB : Donc eux ils ont entendu parler du Larzac et, et tout de suite ils sont venus nous rencontrer
PB : Puis ils étaient venus déjà pendant la guerre d'Algérie lorsqu'il y avait les prisonniers politiques au Larzac
CB : Le çamp militaire
PB : Çamp militaire, le, dans les bâtiments du camp militaire là. Et les gens de l'Arche qui sont venus jeûner devant le camp militaire, devant là ou était emprisonnés tous les milliers de gens pour protester contre la, justement cette internement, la torture et tout. Ils ont été quand même dans les, dans les tout premiers à venir, à être, à venir soutenir le Larzac parce que ils connaissaient déjà pour être intervenus comme le, les prisonniers politiques
RG : Et quelle était votre impression de Lanzo, Lanza pardon ?
CB : Et ben il nous a conquis tout de suite
RG : Oui
CB : Ah oui mais vraiment il a conquis son auditoire à 100% quoi parce que on s'est senti porté enfin soutenu enfin par quelqu'un, il était comme un phare au finale
PB : Oui
RG : Oui
CB : parce que nous on était complètement dans la nuit et tout d'un coup il nous disait ce qu'on devait faire
RG : Oui
PB : Mais je crois c'est, c'est surtout…
CB : Mais il nous disait en même temps « c'est à vous qu'appartient de trouver des actions qui soit sympathiques à l'opinion, ne vous mettez pas les gens à dos, essayez de faire grandir votre lutte par le soutient de l'opinion publique »
PB : Voilà, en fait il nous disait un truc, « de tout façon la violence, les armes vous ne les avez pas, en face de vous, vous aller trouver un pouvoir mais qui va vous écraser »
RG : Oui
PB : Et c'est que ça, ça a fait son chemin
RG : D'accord
PB : Et comme qu'elle dit, et il nous disait « essayez de faire des actions ou l'opinion publique va pouvoir se retrouver ». Et puis très rapidement on s'est aperçu qu'en fait la non- violence était une technique de défense extraordinaire, il fallait simplement la savoir, l'adapter au…
CB : au besoin
PB : à la lutte quoi
CB : Oui, oui
PB : et c'est que pourquoi on a adopté aussi la non-violence, c'était...Au départ ce n'était pas une conviction profonde même si ça nous, ça nous taraudait à l'intérieur, qu'on se posait des questions
RG : Oui
PB : Mais on s'est aperçu qu'il fallait aux yeux de l'opinion
RG : Oui
PB : on apparaisse comme des martyres, des victimes d'un pouvoir totalitaire. Et c'est exactement ce qu'on a toujours cherché à faire et quand on faisait des actions, ce n'est jamais nous qu'on a commencé, jamais, jamais, on a
CB : On répondait
PB : En dix ans j'ai vu un gars qui un jour a perdu son sang-froid, qui a donné un coup de poing dans la, dans le visage d'un colonel de l'armée
RG : Oui
PB : C'est le seul exemple. Alors dire qu'on n'a pas eu des paroles qui étaient des fois aussi très, très violentes, ce serait mentir
RG : Oui
PB : mais on n'a jamais eu un brin d'agressivité physique
RG : Oui
PB : contre les forces de l'ordre ou autres
RG : Mais il n'y a jamais eu des gens de l'extérieur par exemple qui ont essayé, qui ont voulu noyauté le mouvement ?
CB : Si, au départ justement il a fallu choisir
RG : Oui
CB : après la conférence de Lanza del Vasto à Millau
RG : Oui
CB : A la fin de la conférence il nous a proposé un jeûne de 14 jours qu'il a fait lui et il nous a demandé de nous associer à son jeûne. Donc on l'a fait à La Cavalerie, dans le village de La Cavalerie, ça a duré 14 jours. Nous on a démarré le jeûne bon par hasard et puis il y en a eu d'autres avec Lanza. Et là tous les soirs il nous faisait une causerie, midi et soir il y avait une causerie sur la non-violence. Donc ça rentrait dans nos, dans nos réflexions. Et à la fin, il y a eu, quand il a rompu son jeûne, il y avait les maos de La Cavalerie qui étaient là mais là ils essayaient de récupérer, de...Et donc il nous fallait choisir et c'est vrai que déjà nous à la fin de ce jeûne, parce que beaucoup de paysans, des gens de Millau avaient participé au jeûne, ben vraiment on avait choisi notre camp
RG : Oui
CB : On avait choisi la non-violence, ça se sentait quoi, et les maos ben on en a fait partir certains parce que…
PB : Non on ne les a pas fait partir
CB : Non mais ils sont partis d'eux-mêmes
PB : Ils sont partis tous seuls
CB : Mais ils ont vu que bon, ils nous disaient « mais il faut tout casser, il faut aller dans le camp militaire »
PB : « faire la révolution et tout »
CB : « Il faut faire la révolution » et nous ça ne nous convenait pas du tout
PB : Mais les paysans par tradition on n'est pas quand même des révolutionnaires avec le, le couteau entre les dents
CB : Mais quand même avant la, avant qu'on découvre la non-violence il y avait eu des manifs, une manifestation à La Cavalerie, les discours étaient quand même durs
PB : Très, très oui
CB : et il y en avait qui disait mais s'il faut, on prendra les fourches pour le droit à la vie
PB : Les fusils, même les fusils
CB : Oui, oui…il y avait des…
PB : Mon père l'a dit, il a dit….
CB : Oui son père disait « on est prêt a prendre les fusils »
PB : « On les attend ». Et c'est vrai mais ça c'était la réaction primaire, et lorsque - et ça c'est ce qu'on disait tout à l'heure, on ne se connaissait pas au début - et lorsqu'après le jeûne de Lanza del Vasto justement qui a eu une importance c apitale pour faire l'unité, on a mieux appris à se connaître sur leur acte. Après il y avait des échanges, des échanges qui étaient des fois durs
RG : Oui
PB : Hein entre nous, mais il n'y a jamais eu la moindre...il y avait de l'agressivité mais il n'y a pas eu de haine. Et donc on faisait des, des analyses des différentes stratégies
RG : Oui
PB : Et, et en fait on, comme il y avait beaucoup de comités qui s'étaient crées en France pour soutenir le Larzac
RG : Oui, oui
PB : et ben ces comités-là venaient aussi participer à des réunions avec nous. Donc beaucoup ont…
RG : Les réunions c'était chez vous ?
PB : Non il y en avait chez nous….
CB : Il y en avait partout….
PB : il y en avait à peu près partout
RG : un peu partout
PB : Oui, non mais il y en avait à l'Hôpital, les réunions des paysans au début ça se faisait à l'Hôpital oui
RG : Oui
PB : Parce que il y avait une grande, une grande…
CB : Et à la maison de Jean-Marie et Jeannine, avant ce n'était pas une maison d'habitation, c'était une…
PB : C'est là que…
CB : c'était un garage pour les matériels agricoles
RG : D'accord
CB : et donc les réunions se faisait là, il y avait des…
RG : D'accord
CB : Là on pouvait rentrer à 150 personnes
RG : Et il y avait d'autres meetings chez d'autres paysans ou ?
PB : Dans d'autres réunions oui il y en avait…
CB : Oui, on en faisait à la maison du Larzac, à la Jasse, je ne sais pas si vous avez vu le bâtiment
PB : A l'Hospitalier aussi
CB : et puis à la, à la salle des fêtes de l'Hospitalier
PB : Oui dans la salle du presbytère
CB : Voilà
PB : Mais on essayait de temps en temps de faire une réunion - bon sauf si les gens ne le voulaient pas - un peu chez tous les paysans
CB : Oui
PB : que tous se sentent un peu…
CB : impliqués
PB : impliqués directement. Bon alors il y en a quelque uns qui n'ont jamais voulu mais ça, pas beaucoup, pas beaucoup
CB : dans différents quartiers, c'était important ça de changer de lieu
RG : Et le serment, ça s'appelle le serment de ?
PB : Des 103
RG : Des 103, donc il y avait 103 paysans
CB : Il a été signé à la fin, après le jeûne
PB : 107 qui étaient concernés
RG : Oui
PB : Et sur les 107 il y en avait 103 qui ont signé ce serment en disant qu'il ne partiraient jamais quelque soit les moyens employés pour les chasser
RG : D'accord
PB : Et ça, ça a été, en permanence le, le cœur de la lutte
RG : Oui
PB : Et ça a été la référence. Mais ça a été surtout, bon que ce soit la référence pour nous c'est bien, mais surtout pour le mouvement Larzac qui s'est crée après surtout
RG : Oui
PB : c'est resté toujours la référence. Donc quand des gens nous proposaient - parce que vous savez, on peut le dire aujourd'hui, - il y a des gens qui se sont pointés pour nous porter de l'explosive et faire tel truc, d'autres gens qui nous disaient « là à tel endroit vous pouvez, vous pouvez faire sauter un truc . Tout le monde voulait avoir sa patte sur la Larzac
RG : Oui
PB : Et donc on donnait des conseils, des conseils qui ne correspondaient pas du tout au choix de lutte des gens du Larzac
RG : Oui mais c'était un équilibre un peu difficile parce que vous aviez besoin du soutien des autres
PB : Oui
CB : Voilà
RG : Mais en même temps il fallait maintenir le contrôle des paysans sur les actions, c'est ça ?
PB : C'est pour ça que les comités se sont rapidement aperçus - parce que ils venaient nous dire « Bon il faut faire telle action ce week-end » et tout, on a dit « Oui c'est très bien vous avez raison, lundi, mardi, mercredi vous restez, vous êtes là pour assumer les conséquences de l'action ». « Ah ben non on a notre boulot ». « Oui ben d'accord » (rire de RG). Non mais à partir du moment où vous êtes d'accord pour assumer, on peut faire des choses ensemble parce que nous on est obligé d'assumer tous les jours
RG : Tous les jours oui
PB : Et la très rapidement mais ça a été une harmonie je dirais. Oh je ne dis pas que ça s'est passé sans, sans frottement
RG : Oui
PB : Mais tout le mouvement Larzac a accepté le principe que c'était les gens du Larzac qui en dernier ressort, c'est à eux d'appartenait la décision…et ça a été respecté
CB : Mais les comités Larzac ça a été quelque chose d'extraordinaire, ça a été un soutien, les comités non-violents, enfin tout
PB : Tout l'ensemble…
CB : Il y en avait qui était au comité Larzac qui était aussi au comité non-violents, c'était aussi un peu les mêmes personnes. Mais, il y a eu combien ? près de 300 comités Larzac en France
RG : 300
PB : Ou dans le monde, 200, non 230
CB : Je ne sais pas, plus de 250, le chiffre on ne l'a pas mais….
PB : Oui il y en avait était bon
CB : Il y avait de gros comités comme celui de Paris, Avignon…
PB : Lyon, Marseille
CB : Bordeaux
PB : Toulouse
CB : Laval
PB : Nantes
CB : et il y en avait des tout petits dans des villages, vraiment, et il se passait des actions
RG : Et ça ils vous soutenaient comment, avec de l'argent, de la publicité ?
CB : Oui et puis, et puis ils venaient surtout régulièrement, régulièrement au Larzac ….ben pour des réunions…
PB : Tous les mois
CB : pour des réunions de coordination entre les comités et les paysans
PB : Ça a duré pendant sept ans. Tous les mois il y avait des représentants de tous les comités, presque tous - pas tous parce qu'ils y en avaient qui était à l'étranger alors - qui venaient sur le Larzac. On faisait ce qu'on appelait une coordination des comités et on se retrouvait à 200, 300, ça dépendait. A Saint-Martin, pour faire le point de la situation et voir ensemble, qu'est-ce que c'est qu'on peut faire - les comités aussi à ce moment-la nous disaient, « ben attention méfiez-vous, le Larzac on en entend plus, il faudrait faire quelque chose et tout ça ». Alors on discutait de tout ça, de la stratégie a moyen et long terme
CB : En fait on faisait en sorte toujours que, dans les media on parle du Larzac. Si tout d'un coup ça retombait, on sentait que ce n'était pas bon pour nous. Si dans les informations, il n'y avait pas d'informations bon ça voulait dire bon ben le gouvernement il disait « bon ben ça y est, ils ont abandonné la lutte c'est terminé ». Plusieurs fois ils ont essayé de faire baisser la pression et puis, alors tout de suite on imaginait une autre action et puis on repartait quoi…on n'avait jamais de repos
RG : Alors pour vous les actions principales c'étaient quoi ?
CB : Il y en a eu, ben en 72…
RG : La Tour Effel a Paris ?
PB : Oui, Oui mais c'est, ça c'est une à eux
CB : Le jeûne était aussi une action principale
RG : Le jeûne
CB : parce qu'on n'avait jamais fait ça de notre vie et c'était, on a trouvé ça très fort
RG : Oui
CB : Après il y avait les tracteurs à Rodez, en juillet 72
RG : Oui
CB : Il y a eu 60 tracteurs
PB : Oui
CB : qui sont montés à Rodez. Après il y a eu les moutons, la même année les moutons sous la Tour Eiffel en octobre quand il y a eu l'enquête de l'utilité publique
RG : Oui
CB : On avait amené aussi…
PB : Non c'était avant
CB : au début de l'enquête, 1500 brebis, plus
PB : 2000 brebis
CB : 2000 brebis devant la mairie de La Cavalerie
PB : Ça c'est ce que je voulais dire, des paysans qui ont accepté, du village de la Cavalerie, tous mélanger les troupeaux
RG : Oui
PB : Il y avait plus de 2000 brebis
CB : sur la place de la mairie
PB : pour bloquer l'entrée de la mairie
RG : D'accord
PB : Ben je peux vous dire ça a mit…
RG : Pourquoi bloquer la mairie ?
PB : Parce que c'est là
CB : C'était l'enquête d'utilité publique
PB : Voilà, c'est la qu'il y avait le commissaire enquêteur
RG : Oui d'accord
CB : Et la, ça a durée combien, 15 jours, 10 jours, l'enquête de l'utilité publique
PB : 15 jours
CB : Et c'est la que…
PB : Oui, un mois, un mois
CB : une délégation dont on faisait partie, on est allée à Paris avec 60 brebis qu'on a fait amener sur le Champ de Mars
PB: sous la Tour Eiffel
CB : et c'est la que le Larzac a pris une ampleur nationale, à partir de cette action
RG : Oui
CB : parce que jusque là c'était resté dans le cadre local
PB : local oui
RG : Oui
PB : Je ne sais pas, vous n'avez jamais vu le CD sur la lutte du Larzac ?
RG : Non j'ai vu des photos mais pas le CD
CB : Il y a un CD
PB : Vous seriez, alors là, vous comprendrez, en voyant ça vous comprendrez certaines choses
RG : Oui
PB : quand vous parlez, quelles sont les actions ?
RG : Oui
PB : ben il y a eu des foules d'actions
CB : Après en janvier 73…
PB : des centaines d'actions…
CB : Donc on est reparti à Paris, enfin je dis « on », bien évidemment c'est le Larzac parce que, en tracteur donc - et il y avait une seule femme d'ailleurs - en plein hiver hein, en plein hiver du Larzac à Paris en tracteur, il y a avait 26 tracteurs
PB : puis…
CB : des actions comme ça, ça se prépare longtemps à l' avance
RG : C'est l'action qui a été bloquée à Orléans ?
CB and PB: Voilà
PB: C'est ça
RG : Et c'est à ce moment-là que vous avez
CB : en 73…
PB : Bernard Lambert a trouvé
RG : le soutien de Bernard Lambert ?
CB : Oui
PB : Non, on l'avait déjà
RG : Vous l'aviez déjà ?
PB : Oui, oui
RG : D'accord
CB : Et il a annoncé donc
PB : qui a annoncé le rassemblement en 73
CB : enfin il a proposé un rassemblement paysans/ouvriers pour l'été et…
PB : on en avait discuté quoi un peu
CB : Et donc ça c'est fait, ou il y avait 60 000 personnes et, avec des marches convergentes qui venaient d'un peu partout et…
PB : du sud, de l'ouest, du nord
CB : Et ce qui est incroyable c'est que à chaque fois qu'on avait fait une action forte on était dans notre tête, dans notre cœur, on disait « on a gagné, cette fois ce n'est pas possible on a gagné »
RG : Ah oui
CB : et en faite on n'avait rien gagné, on continuait toujours
RG : Il fallait continuer
PB : Bien sûr
CB : Mais on avait le morale après chaque action, on disait « c'est extraordinaire tout ce soutien, on était vraiment persuadé que là on allait gagner quoi ». On a toujours eu cette foi
RG : Et après l'élection de Giscard, rien n'a changé ?
CB : Ben on avait toujours le champagne au frais, on buvait un coup quand même pour se remonter le morale et…
PB : Non mais je crois qu'en fait…
CB : Oui 74 ça a été difficile mais je crois justement, il y a eu un autre rassemblement où il y avait le double de personnes de l'année d'avant
RG : Oui
CB : par rapport à l'année d'avant
PB : Mais on n'a jamais cru, sous le gouvernement de droite, on n'a jamais pensé qu'ils abandonneraient le projet. Je crois que, et c'est vrai qu'on a, autant - bon aussi peut-être parce que Mitterrand est venu en 74 sur le Larzac et il a failli y laisser sa peau, oui il s'en rappelle
RG : A quel moment il est venu ?
CB : Au rassemblement de 1974
PB : Soit après les, sa défaite…
CB : après sa défaite en fait
PB : de, aux élections
CB : aux élections présidentielles de mai
PB : et…
CB : de mai 74
PB : On lui a sauvé la vie. Ça a été, ça n'a pas été facile, il y avait une collusion, on n'avait, - ça aussi c'est la richesse du mouvement qui a soutenu le Larzac - on avait des gens qui ont trafiqué des postes, qui ont enregistré pendant tout le rassemblement toutes les conversations des flics, de la préfecture, de, bon des, des spécialistes
RG : Oui
PB : Bon c'était ça aussi le mouvement, et donc on a su que c'était une opération qui s'appelait l'opération Alfa
RG : Oui
PB : Ils allaient sauver Mitterrand pour faire passer le Larzac comme des gauchistes, et des terroristes même
RG : Ah bon
PB : Ah oui, oui, oui, et ça, on avait les enregistrements de ça
RG : D'accord
PB : Et bon, alors, et c'est vrai qu'on n'a pas trop voulu remuer parce qu'on espérait toujours qu'il y aurait une négociation, mais négociation vrai, une vraie négociation
RG : Oui
PB : alors on n'avait pas envie de jeter sur la place publique des histoires que, qu'on avait, qu'on aurait jamais dû entendre quoi, par exemple
RG : D'accord
PB : contre le pouvoir de l'époque
RG : Oui, oui…et à un certain moment, vous avez parlé de la non-violence, mais à un certain moment il y avait des confrontations avec, avec l'Etat, des, des bagarres, des ?
CB : Ben des bagarres sur le, euh sur le terrain ici, il y avait tout le temps des escarmouches. C'est-a-dire les militaires ils débordaient de leur limite du camp militaire…
PB : volontairement
CB : ou involontairement parce qu'ils se perdaient
PB : volontairement, non, non, non….
CB : et il fallait aller toujours sortir le notaire…
PB : c'était tâter le terrain
CB : Ils passaient dans les hameaux la nuit avec des engins blindés
PB : dans les fermes, partout oui
CB : Ils piétinaient les récoltes, ils passaient les hélicoptères très bas, ils effrayaient les troupeaux, il y avait tout le temps des actions sur le terrain. Il y en avait en permanence, et ça on les gérait entre nous
PB : Vous êtes anglais ?
RG : Oui
PB : La BBC nous a rendu un service extraordinaire
RG : Ah bon ?
PB : à l'époque
RG : Qu'est-ce qu'elle a fait ?
PB : Et bien l'armée anglaise venait s'entraîner sur le Larzac
RG : Oui
PB : et bon entre parenthèse l'armée anglaise, bon pas davantage l'armée française, on ne les aimait pas, je peux vous le dire
RG : Bien sûr, mais pourquoi ?
PB : Parce qu'ils étaient odieux
RG : C'est normal
PB : Ils étaient odieux
RG : C'est normal
PB : Et la ils venaient s'entraîner sur, dans le hameau de la Blaquière, sur les maisons, pour aller à Belfast après
RG : D'accord
PB : maintenir l'ordre. Et ça c'est trouvé qu'un jour la BBC vient faire un reportage sur le Larzac et elle tombe à la Blaquière avec des Anglais qui étaient sur les toits des maisons, qui faisaient tomber des...et tout, alors qu'il y avait les habitants dedans. Un char qui essaie de rentrer dans les petits chemins qu'il y avait, il ne passe pas, ça failli toucher, il a fait tomber un mur. Il a été obligé, il y avait les enfants de la famille Giroux qui étaient tous devant et qui avec un bâton pour le, c'était dérisoire, mais si, effectivement on a dit qu'ils étaient menaçés
RG : Oui
PB : L'armée anglaise avait dit que des gamins de sept ans, huit ans, cinq ans même
CB : qui leur lançait des cailloux
PB : qui faisait reculer le char (rire) et la BBC nous a donné une copie
RG : D'accord
PB : de ça
RG : Oui
PB : et en France ça a fait un bordel. Il y a eu, c'est monté au gouvernement anglais, au gouvernement français. Que si c'était pour faire étendre le Larzac, le temps sur la Larzac et faire revenir l'armée anglaise et allemande pour s'entraîner, on n'avait pas besoin d'aux, on était tout ça. Il y a eu des excuses, enfin bon
RG : D'accord
PB : Mais c'est grâce à la BBC qu'on a eu ça
RG : Oui, formidable, oui
PB : Oui
RG : Et comment dirais-je, il y a aussi la question du plasticage de…
CB : Oui
RG : les Giroux ?
PB : Voilà cette famille-la
CB : c'était en 19…
RG : C'est cette famille-là ?
CB : 1975
RG : Oui
CB : le 15 mars
RG : Oui
CB : Il y a eu donc une charge de plastic qui a été placée devant la porte d'entrée de la maison de la famille Guiraud
PB : Dans un moyeu de roue de char, il y avait un moyeu de roue de char qui servait pour un pot de fleurs
RG : Oui
PB : et ils ont mis la charge là-dedans, et en fait c'est de l'explosif, c'était de l'explosif militaire. Ça les experts on était catégoriques, bon
RG : Oui
PB : et c'était fait pour tuer. Parce que c'était une maison en voûte - si c'était une maison traditionnelle comme ça. Il n'y avait plus personne c'était clair - mais la voûte c'est très lourde puisque c'est des pierres là, tout le toit. C'est soulevé, d'après les experts ça s'est soulevé de trois centimètres mais c'est retombé de son propre poids parce que il y avait plusieurs fenêtres où tout a explosé, les fenêtres et les volets. Donc le souffle a réussit à partir par là, ce qui a empêché que la maison tombe. Il y avait dix personnes dedans, et je peux vous dire quand on a, par-dessous on voyait le jour a travers la voûte, pour vous dire
RG : Oui
PB : on l'a soulevé en rechargeant, on a fait une coque de mortier quoi au-dessous pour tenir
RG : Et quand vous dites « ils » c'est des agents provocateurs, c'était l'armée ?
PB : C'était l'armée oui
CB : Ben il y a eu un non lieu
PB : Oui
CB : Il y a eu un procès, il y a eu un non-lieu
RG : Oui d'accord
CB : Donc ils n'ont pas voulu dire la vérité quoi
PB : Quand on ne veut pas trouver…
CB : bien c'est facile…
PB : on fait un non lieu
CB : Mais c'était une période difficile parce que on avait construit depuis deux ans, on avait commencé la construction de la bergerie de La Blaquière
RG : La bergerie, oui
CB : qui était illégale
RG : Oui
CB : Donc on pensait qu'il y aurait des représailles par rapport à la bergerie mais jamais par rapport a une…
PB : à une famille
CB : à une famille
PB : Alors ça
CB : à une maison d'habitation, on n'a jamais imaginé ça parce que la bergerie était proche de la maison des Guiraud
RG : D'accord
CB : Puisque c'était pour les Guiraud cette bergerie
RG : d'accord
CB : les Guiraud et les Jonquet
PB : Mais vous savez la famille, elle en ait encore traumatisée de ça hein
RG : Oui
PB : Il y a un fils qui s'est suicidé
RG : Ah bon
PB : et bon alors, ce n'est pas pour ça spécialement, mais ça les déglingués…moralement….
CB : C'était très difficile après de, je pense qu'ils auraient, cette famille-là - en fait c'est vrai que la Blaquière c'était un peu le verrou du Larzac parce que le amont se trouve a la limite du, à la lisière du camp militaire
RG : Oui
CB : donc commencer par évacuer cet hameau, ben pour eux c'était gagner
RG : D'accord
CB : donc les tuer c'était gagner aussi quoi. Finalement ils ont, ils sont restés vivants hein, Dieu merci, c'est un miracle c'est vrai
PB : oui, oui, oui la
CB : Et après il a fallu les soutenir moralement parce que…
PB : et financièrement aussi
CB : S'ils nous avaient dit « on ne peut plus rester, on à envie de partir », personne n'aurait osé leur dire « si vous devez rester »
RG : Oui
CB : On les aurait laissé partir mais sans...c'est terrible pour les autres
RG : Oui bien sûr
CB : on l'aurait compris leur départ
RG : Oui
CB : et en fait ils ne sont pas partis, leur maison a été reconstruite
RG : Oui
CB : Voilà quoi mais ça été terrible pour eux parce que la nuit ils entendaient toujours le bruit de la déflagration, pendant des années ils ont entendus ça
PB : Vous savez toutes les fermes, on en était arrivé à attacher les chiens devant, devant les portes
CB : Et le pire, c'est que…
PB : ou presque
CB : quand ça s'est passé, il a des clous qui ont été semés sur les chemins, des chemins des fermes pour pas que les secours arrivent
RG : Ah bon
CB : donc nous, on a été averti et en allant….
PB : nNn mais c'est surtout que c'est Elie Jonquet, un autre habitant de la Blaquière…
CB : qui était en GAEC avec Guiraud
PB : Auguste Giroux
RG : Oui d'accord
PB : Ils sont venus, ils sont arrivés les quatre roues crevées par des clous
CB : Il y avait des clous partout, mais plusieurs fois on a eu des clous sur nos chemins
PB : Ah oui la…
CB : ça a été…
PB : ça a été très dur hein quand même faut pas croire
CB : continuel. On voyait scintiller des choses, on s'arrêtait, il y avait des clous, on ramassait les clous, on crevait sans arrêt
RG : Oui
CB : sans arrêt
PB : Le matin on allait, tous les matins on allait regarder a l'entrée des chemins des fermes s'il n'y avait pas des clous et on ramassait des clous, il y en avait sur le bord de la route
RG : Oui
PB : aussi, bon
CB : Mais il fallait être très, très vigilant parce que d'un côté on avait le soutien ça nous rendait fort. De l'autre côté bon on était quand même voisin du camp militaire et puis il y avait aussi les commerçants de La Cavalerie qui était eux pour l'extension du camp
RG : Ah d'accord
CB : parce qu'ils pensaient en retirer des bénéfices mais, bon, ils n'étaient pas trop méchants quand même…
RG : Et les gens de Millau étaient avec vous ou…
CB : Euh
PB : Oui, oui, au début non, mais au début on leur a promis emplois…
CB : mais les ouvriers oui, les ouvriers oui
PB : Trois mille emplois, Millau qui était en train de vivre la crise de la ganterie
RG : Oui
PB : donc trois mille emplois, ben ça va on va pouvoir rester là, notre avenir est assuré
CB : mais six mois après il n'y en avait plus que trois cents emplois et finalement après ça se résumait à trente
PB : il y a eu trente emplois (rire de RG)
CB : Oui, promis…promis
RG : promis
PB : Oui il y avait, il y en a eu, si ils ont été, ils ont été quand il y a eu le règlement parce que ils ont été obligés de modifier un peu le, le fonctionnement du camp. Ils ont embauché trente emplois mais qui étaient, bon, enfin c'est qu'ils ont dit maintenant on n'a pas été le voir hein, peu importe
CB : Après comme grande action en 76, il y a eu la prison
RG : La prison ?
CB : La prison donc puisqu'il y avait des achats de, de terres, l'armée disait qu'ils achetaient des terrains à l'amiable…
PB : Non qu'ils achetaient plus, ils voulaient qu'on négocie, alors là, l'armée disait
CB : Ah oui
PB : « On a arrêté d'acheter le temps que durera les négociations ». Et puis nous en même temps, alors bon seulement ces négociations ça se renvoyaient parce que il y avait toujours, c'était niet quoi, on nous proposait rien. Et un jour on entend que l'armée venait d'acheter deux grosses fermes
RG : Oui
PB : alors on a dit « bon il faut qu'on fasse quelque chose, il faut qu'on rentre dans le çamp, qu'on aille voir ce que l'armée achète pour, pour le dénoncer publiquement »
RG : Oui d'accord
PB : auprès de la population locale, et c'est ce qu'on a fait, on a fait, on a fait une action commando, on est rentré à
CB : vingt-deux
PB : vingt-deux
RG : Oui
PB : dans le camp pour prendre connaissant de tous les dossiers
CB : vingt hommes et deux femmes…
PB : dans le lieu de, de l'antenne, ce qu'on appelait l'antenne « génie-domaine » c'est-à-dire ceux qui était chargé de tous les achats des terres. Et là on a, on a pris connaissance, on a réussit a faire des photos et tout, bon on a été fouillé mais ils n'ont pas osé, ils n'ont pas tout trouvé, en particulier les pellicules. Bon toutes les dossiers qu'on avait pris ça ils nous ont tout pris, mais les pellicules on avait réussi à planquer des trucs, quand c'est passé après au tribunal a Millau, quand on a jugé en flagrant délit
RG : Oui
CB : le lendemain matin
PB : Et à la fin du procès, même pas, au milieu du procès, les photos qu'on avait prises donc de tous les dossiers ça avait été développé par un, on avait un grand militant la qui était photographe
RG : Oui
PB : et donc on a pu dénoncer tout ce que l'armée…
RG : Ah bien
PB : préparait alors que le préfet nous garantissait que ça n'existait pas. E donc c'est là où l'on a découvert, les Millavois ça les a rendu fous que Millau se trouvait exactement dans l'axe de tir, c'est-a-dire que …
RG : de tir de ?
PB : ben de canon, des canons de l'artillerie
CB : des canons du camp…Millau se trouvait en face…
PB : dans l'axe de tir, bon on sait que…
RG : Mais si le camp…
CB : si le camp s'était agrandit
RG : Ah oui d'accord, d'accord
PB : Oui
CB : dans le cadre toujours du projet d'extension
PB : Souvent ce qui se passe c'est que dans des camps on met une demi-charge ou une charge entière, c'est-à-dire quand on ne peut pas tirer trop loin pour les canons
RG : D'accord
PB : il y a, c'est des obus de demi-charge, et là c'était dans le cadre d'obus de demi-charge. Et c'est arrivé des dizaines de fois qu'ils se trompent, qu'ils mettent des obus de pleine charge et au lieu de s'arrêter ici, ils partaient de l'autre côté là-bas. Alors ça, ça les Millavois, qui savent qu'il y a des erreurs aussi de tir…
RG : Ils tiraient, ils faisaient des exercices de tir
CB : Ah oui
PB : réels ?
CB : Ils en font toujours
RG : réels ?
PB : Oh non maintenant c'est du simulé. Maintenant oui, si, ils en font mais, c'est des tout petit, c'est même pas au canon, il n'y a plus de canon
RG : D'accord, d'accord…et la vous avez été jugé, vous avez fait de la prison ?
CB : Oui, lui oui
PB : Oui
RG : Combien de temps ?
PB : Une semaine
RG : Une semaine ?
PB : Parce que…
CB : Parce qu'il était paysan et qu'il fallait - les vrais paysans ont été relâchés pour faire les moissons, c'est-a-dire qu'ils sont rentrés le lendemain de l'action c'est-à-dire le 30 juin et ils ont été libérés le 4 juillet
PB : six
CB : le 4 juillet
PB : Oui peut-être
CB : Oui pour faire les moissons. Et normalement ils devaient retourner en octobre effectuer leur peine mais ils y sont jamais retournés
RG : Oui d'accord
PB : Non même les autres ont été libérés
CB : et ce qui est extraordinaire c'est que parmi les sept paysans il y avait deux paysans de la ferme des Truels
RG : Oui
CB : C'est-à-dire des, des non-violents, de la communauté de l'Arche
RG : Oui
CB : qui était aussi considérés comme des paysans alors qu'ils étaient quotidiennement menacés d'expulsion de leur ferme parce que c'était illégale leur occupation. Et là finalement on les considérait comme les autres paysans, on les a libéré pour effectuer les moissons sur les Truels, alors c'était paradoxale
PB : En fait ils ont sorti une loi parce que ça faisait du foin terrible là. Il y a, en France il y avait des gens qui voulaient foutre le feu aux Cévennes, c'était fou. Faut comprendre le climat qu'il y avait, après il y avait les trains qui, ils ont foutu le feu, il y en avait qui voulaient le faire dérailler et tout. Bon, alors il y a eu beaucoup de pression de Raymond Lacombe qui était président sur Chirac qui était alors ministre de l'agriculture et là, ils ont tout fait, ils ont la justice indépendante. Ça a été surtout tous les paysans il faut les faire relâcher c'est le minimum. Et notre avocat qui était Maître Jean-Jacques de Félix, de Paris-là, nous a dit que c'était la première fois dans son histoire d'avocat, dans son histoire de vie d'avocat
RG : Oui
PB : que, on met, le juge d'application met des gens en prison
RG : Oui
PB : ce même juge d'application des peines, dans l'heure qui a suivi, le moment où il a fait ce papier, il refait une, il refait un papier pour faire ressortir de suite les gens
RG : D'accord
PB : parce que tout était, mais vraiment c'était, à Millau il y avait quatre, cinq mille personnes qui étaient, qui allaient mettre la région...et puis c'était partout en France hein, des gens, des comités…
RG : C'était une grosse alerte en France
PB : Ah oui, oui
CB : C'était une action très, très forte. On était, les cars qui devaient emmener les prisonniers étaient sur la Place du Mandarou à Millau, la place principale, et les manifestants empêchaient les cars de partir
RG : Oui
CB : parce qu'il fallait qu'ils aillent à la prison de Rodez, et les manifestants étaient devant les cars, ils empêchaient les cars. Et c'est nous les femmes, les, les parce qu'il y a, les, c'est un peu les principaux qui partaient en prison. On faisait pousser les manifestants en leur disant « mais laissez les partir, laissez les partir, ça ne sert à rien de les bloquer », c'était terrible, terrible, cette action
PB : Et on a, à l'arrivée a la prison de Rodez, après le jugement donc
RG : Oui
PB : le commandant de l'escadron de gardes mobiles, quand on est descendu du çar, tous, il y avait le commandant et son adjoint qui était à coté, et tous nous on serrait la main en nous disant, et pourtant le commandant il avait l'oreille arrachée-la
RG : Ah oui
PB : pour dire, bon ça, il y en a qui ont perdu un œil….
CB : Il y a des manifestants qui ont renversé des poubelles, il y avait une haie d'honneur, enfin un service d'ordre donc des marches du tribunal jusqu'au car
RG : Ah oui d'accord
CB : et la il y avait des manifestants qui renversaient des poubelles sur les flics, qui étaient déchaînés
PB : Mais les flics…
CB : après le verdict quoi
RG : Oui
PB : ils ne nous en ont jamais voulu, ils nous ont remercié, ils ont dit « vous avez évité l'émeute à Millau »
RG : Ah d'accord
PB : Ah oui, oui, oui, non mais c'était plus que chaud
RG : Oui, plus que chaud
PB : Oui
RG : C'était le moment le plus chaud de la décennie ?
CB : Oui je pense
PB : Oui je crois
CB : Ça été l'action la plus dure oui
RG : Oui
CB : Bon après il y avait des actions sur le terrain, il y avait des…
RG : La marche sur Paris
PB : Si la marche sur Paris ça aussi là. On a eu peur quand même, il y avait autant de flics que de manifestants, et on était quand même 80, plus de 80 000 mille personnes. Toutes les rues qui étaient bloquées, on avait qu'un seul axe, et a mesure sur des étages, les flics nous balançaient des grenades lacrymogènes
RG : A Paris ça ?
PB : Oui, oui, à l'arrivée de la fameuse marche à pied
CB : C'était impressionnant cette arrivée de marche parce que…
RG : C'était en quelle année ?
CB : C'était en, ça a commencé le 2 novembre, le 8 novembre 78
PB : Oui
CB : et elle a durée jusqu'au 2 décembre, donc trois semaines parce qu'il y a 710 km d'ici à Paris
RG : Oui
CB : et je crois que c'était à la porte d'Ivry ou d'Evry
PB : Oui
CB : Je ne sais plus
PB : Euh porte d'Orléans on est arrivé et…
CB : à la porte d'Orléans il fallait jusqu'à…
PB : l'itinéraire qu'on avait négocié c'était porte d'Orléans, porte d'Italie
RG : D'accord
PB : parce que la…
CB : et à ce moment là il était...donc ce parcours était autorisé pour la manifestation et il y avait quand même 17 000 flics avec les casques et les boucliers, qui étaient tout le long du parcours
PB : tout le long
CB : tout le long du parcours
PB : Mais après il y avait tous ceux qui étaient planqués
CB : et au milieu des flics il y avait les manifestants…
PB : 75 à 80,000
CB : Il n'y avait pas un bruit, pas un slogan, le silence, on entendait que les marches comme ça (toc, toc, toc)
PB : les bâtons
CB : Je peux vous dire que c'était fort
PB : Quand c'était ?
CB : le silence ça a une force
RG : Oui, Oui
CB : incroyable
RG : Donc c'était prévu que la manifestation soit…
CB : et là on était toutes les familles…
PB : silencieuse
RG : Oui
CB : on avait les enfants avec nous et tout
RG : Oui
CB : ah oui on arrivait à Paris avec les enfants
RG : Parce que vos enfants avaient quel âge a ce moment-là ?
CB : Et ben notre fils Olivier avait trois ans
RG : Oui
CB : et les filles, elles avaient huit ans, dix ans
RG : Oui
CB : On avait pris toutes les familles pour l'arrivée a Paris. En même temps on prenait des risques, on prenait de gros risques parce que ça pouvait mal se passer. D'ailleurs c'est ce qu'il racontait, quand on a reçu des grenades lacrymogène, après on était dans un nuage, moi je ne savais même pas ou il était, il était au milieu des flics, il essayait de faire, d'être, de faire respecter la non-violence. Mais il y avait, parce qu'il y avait des autochtones qui c'étaient infiltrés
PB : Non mais, des autonomes, des autonomes
CB : qui foutaient la pagaille…des autonomes, Oui pardon
RG : Des autonomes oui
CB : Et donc, après on a fait partir les enfants. Il y en a qui les ont pris, parce que ça devenait dangereux
PB : En fait c'était...bon on a appelé ça des autonomes mais il y avait beaucoup de flics dedans
CB : en civile
PB : et nous, moi j'étais tout à fait devant
RG : Des agents provoçateurs ?
CB : Oui
PB : Oui mais des flics, des flics
RG : Oui
CB : Mais ils voulaient…
PB : et tous, ils étaient habillés en training, ils balançaient des trucs sur les flics, et après on les a suivis on les a photographiés et tout, et ils sont repartis avec les flics
RG : Ah d'accord
CB : En fait ils voulaient nous pousser à la violence
RG : Oui, Oui
CB : Voilà quoi
PB : casser le mouvement
CB : ils voulaient casser le mouvement
PB : mais en permanence
CB : notre image
PB : du Larzac. Voilà, parce que on était, c'était une lutte sympathique à l'opinion publique ou c'était l'Etat le grand méchant loup quoi. Nous on a rien demandé et l'Etat veut nous foutre dehors, donc c'est normal qu'ils se défendent. Mais même beaucoup d'officiers qu'on a rencontré aussi bien dans les gardes mobiles que dans les camps militaires, nous disaient « ben moi je serais à votre place, je ferais comme vous »…et c'est normal
RG : Oui
PB : Et bon alors, c'est vrai qu'on a toujours essayé de faire passer le Larzac comme gauchiste, des babas cool de mai 68 et gauchistes
CB : Et là, le lendemain de l'arrivé de la marche, il y avait une, une entrevue au ministère et la c'est pareil. On attendait vraiment, vue l'ampleur de la marche, plus de 100 000 personnes arrivées à…
PB : Oui
CB : à la porte d'Italie, à la place d'Italie. On espérait que le lendemain vraiment l'entrevue allait bien se passer, et bien ça a rien donné de plus
PB : Non
CB : Donc, on est revenu chez nous en nous disant « bon ben, qu'est-ce qu'il faudra faire encore ? »
RG : Oui…mais quand vous dites que vous n'étiez pas des gauchistes, il y avait des gauchistes parmi vous, enfin des ?
CB : Oui, bien sûr
RG : des anciens maos, des gens de la GOP. Mais est-ce que la différence c'est que ils étaient, je vais dire plus ou moins sous vos ordres, ils ont obéi les consignes de la non-violence, c'est ça ?
CB : Ils respectaient oui
PB : Ça, écoutez vous pouvez, j'aimerai que vous rencontriez un gars comme Alain Desjardins, comme Alain Salmon, euh
CB : des gars du comité Larzac
PB : des gars de la GOP
RG : J'ai rencontré Pierre Vuarin
PB : Oui mais Pierre aussi oui
CB : Oui, il nous en a parlé. Oui
RG : Oui
PB : Et bien ces gens-la
RG : Oui
PB : nous l'ont dit, nous ont dit « de toute façon ce n'est pas nous qu'on a converti les paysans Larzac à la lutte armée, c 'est les paysans qui nous ont converti nous a la non-violence »
RG : Ah oui
PB : et c'est vrai, si la lutte avait durée un an ou six ans ou six mois, c'est sûr que le problème ne se serait pas présenté du tout de la même façon. Et la les gens ils ont bien compris tout de suite que s'ils voulaient continuer cette lutte du Larzac, la faire un peu aussi leur affaire, il fallait que les paysans ils restent. Donc si les paysans ils y restaient, il fallait que ce soit eux qui décident qu'est-ce qu'on pouvait faire et qu'est-ce qu'on ne pouvait pas faire
RG : D'accord
PB : Par contre à Paris, on leur disait - moi j'étais avec un copain des comités de Paris - négocié chez le préfet de police à l'époque, l'itinéraire
RG : Oui
PB : qu'est-ce que vous voulez que l'on dise ? Moi je n'avais rien à dire, je ne connais rien, je ne sais pas, je faisais confiance. Et j'ai fait totalement confiance aux copains, et on a, et je, ça a été très bien, parce que eux savaient
RG : Oui
CB : ils connaissaient Paris
PB : mais ici on ne savait pas
CB : On n'aimait pas les manifs à Paris
RG : Non
CB : on était perdu complètement
RG : Oui
CB : c'est terrifiant pour nous, c'est vrai on n'était pas habitué à
PB : Ah oui
CB : le métro. Après quand ça a commencé à bagarrer, les gens partaient dans tous les sens, c'était difficile quand même
RG : Oui, oui
CB : On n'aimait pas aller faire des actions à Paris, mais on savait que c'était nécessaire
RG : C'était le comité à Paris qui a, qui vous a poussé à faire ça ?
CB : Bien sûr
PB : Ah oui, c'est sûr, de faire des trucs, on savait très bien que le pouvoir, pourquoi on en parle
CB : il fallait
PB : il fallait faire des actions à Paris, c'est…
CB : ce sont des actions fortes
PB : même on parlait moins d'un rassemblement de 5000 personnes ici que des brebis sous la Tour Eiffel a Paris. Et pourtant c'est, les enjeux politiques derrières sont autrement importants avec un rassemblement de 5000 personnes que des brebis sous la Tour Effel
RG : Oui
PB : Mais les medias, mais qu'est-ce qu'ils veulent, le scoop
CB : et donc la phase juridique continuait toujours. Et en 1980, ben les ordonnances d'expropriation allaient être prises et on s'est dit « puisque on va nous chasser de nos terres, on va avec nos familles et on va cette fois camper sous la Tour Eiffel »
RG : Ah bon
CB : Donc on est allé camper…
PB : sur le Champ de Mars
CB : et on est resté douze jours quand même
RG : douze jours
PB : à Paris
CB : pas douze jours sous la Tour Eiffel, on est resté cinq jours et cinq nuits
RG : Oui
CB : donc douze jours en décembre
PB : six jours et cinq nuits
CB : avec des gamins, il y avait des enfants, des bébés de deux mois et
RG : donc c'était décembre 80
PB : 80
CB : Oui
PB : Ça c'était un peu avant la fin de la lutte
CB : c'était un peu avant la fin
PB : parce que la on sentait que le rouleau compresseur avançait toujours
CB : et on nous a expulsé au bout du cinquième jour, une après-midi parce qu'ils nous surveillaient. Il y avait tous les jours des voitures des Renseignements Généraux qui surveillaient des va-et-vient des gens qui venaient nous soutenir, qui venaient nous rendre visite etc. Et puis à 5h de l'après-midi la ou il y avait le moins de monde sur le campement, parce qu'on avait installé des tentes et tout, on avait même crée une école
RG : Ah oui ?
CB : on était prêt à faire l'école la sous la tente en décembre. Et puis les, tout d'un coup 3trois ou quatre gardes mobiles sont arrivés et ils nous ont embarqués. Ils nous ont embarqués dans un foyer d'accueil, on a passé la nuit dans un foyer d'accueil et on s'est réinstallé sur une péniche sur la Seine et la on y est resté encore trois ou quatre jours
PB : une grosse semaine…
RG : Et vous étiez combien sur la péniche ?
CB : Oh ben on était sur la péniche, on était…
PB : la nuit on dormait à 70 dedans…
CB : mais on avait installé des tentes aussi sur les quais de la Seine. Il y avait, sur les quai de la Seine il y avait des tentes aussi
RG : Ah d'accord
CB : sur la péniche on était nombreux
PB : oui mais il y avait des gens qui couchaient à coté, qui allait…
RG : Oui bien sûr
PB : Mais vous voyez c'était rigolo parce qu'en fait, c'est là aussi la grande. Alors peut-être vous vous pourrez expliquer ça parce que nous on n'a pas tellement d'explication, en tout cas je ne sais. Mais, comment on est arrivé à ce que... ? Je vous prends deux exemples
RG : Oui
PB : quand on était au Champ de Mars
RG : Oui
PB : Bon il se trouve que le patron de la Société des Bateaux Mouches c'est un gars qui est a la limite de, originaire a la limite du Lot et de l'Aveyron
RG : Oui
PB : ce sont deux frères, il s'appelle Bruel. Et quand on préparait justement cette occupation du Champ de Mars, on avait dit « il faudrait aussi faire un truc V Paris, une coordination des comités ». Mais une coordination des comités, s'il pleuvait il nous fallait un local. Alors un gars-là, Jean Chesneaux, l'historien
RG : Oui, Oui
PB : a dit « bon ben il faudrait peut-être voir avec Bruel, la Société des Bateaux Mouches. Et alors c'est lui qui s'est occupé de ce contact et les gars, qui sont des gens de droite mais plutôt même extrême droite, qui aime jouer des vacheries, qui aime faire des vacheries aussi bien a la ville de Paris qu'au gouvernement. Ça s'est trouvé qu'ils ont dit, les deux , donc un des Bruel a dit « chez nous, s'ils sont de vrais paysans je vous ouvre »
CB : Non, « je …
PB : « je vous donne un bateau mouche gratuit pour toute la journée. On était 600 au moins, pour la réunion. « Je vous ouvre le snack, et je vous fais un tour de bateau mouche sur la Seine ». Le gars lui dit « attention, oui, oui ». On était à Paris donc, ils viennent nous voir, et c'est vrai que je parle patois, je parlais couramment le patois, et je me pointe donc avec lui, il me dit « fais gaffe, tu as intérêt à parler comme il faut parce que c'est quitte ou double ». Et effectivement je rentre bon je commence à lui parler en patois, « bonjour monsieur Bruel et tout ça ». Le gars il est, je parlais il était là il me regardait. « bon ben je me suis engagé, je le respecte ». Par contre il y avait son frère a coté, lui ne s'était pas engagé
RG : Oui
PB : et il ne voulait pas
RG : D'accord
PB : Quand on occupait toujours le Champ de Mars, on avait demandé le téléphone, l'électricité et tout. On avait des groupes électrogènes, et la mairie de Paris avait dit, euh non, le gouvernement niet
RG : Oui
PB : La mairie de Paris, parce qu'il y avait des règlements de compte entre Chirac et Giscard, a dit « bon on va vous installer le téléphone ». Ils ont fait dire aux employés municipaux donner du bois pour qu'on puisse entretenir, c'était le mois de
CB : décembre
PB : décembre, entretenir le feu. Alors il y avait des règlements de compte politiques dont nous effectivement on bénéficiait
RG : D'accord
PB : Pourquoi le Larzac a pu rassembler des gens depuis l'extrême gauche jusqu'à l'extrême droite ?
RG : Oui
PB : Et vous auriez vu à la Blaquière en particulier au moment de la construction de la bergerie, quand des gens s'invectivaient entre eux, entre extrême droite et extrême gauche, c'était rigolo et on leur disait « ça c'est une manifestation, là vous avez tous les deux votre place, faites là, après vous pourrez discuter entre vous ». Et c'était quand même incroyable
CB : On a toujours dit que les extrêmes se rejoignaient
RG : Voilà, voilà. Bon deux petites questions de plus, alors sur votre trajectoire, tout cela était résolu plus ou moins après l'élection de Mitterrand, mais par la suite…
CB : Oui
PB : Pfffff
RG : ce n'est pas vrai ? Allez-y
CB : si
PB : les problèmes fonciers oui
CB : fonciers oui
PB : mais la remise à plat en 81 ce n'est pas quelque chose qui a été simple
RG : D'accord
PB : Je vous conseillerais de voir Louis Jouanet
RG : Oui
PB : à Paris, euh je n'ai pas, qui vient de perdre sa femme là il n'y a pas longtemps
CB : il y a quinze jours
PB : il y a quinze jours
RG : Oui
PB : mais lui ça été le juriste chargé par Mitterrand de régler tous les problèmes d'ordre juridique du Larzac. Jamais une expropriation n'avait été menée aussi loin, c'est-a-dire qu'on n'était plus propriétaire, il y avait que l'expulsion qui devait être faite. Et il a fallu re-démonter toute la machine juridique pour rendre la terre aux agriculteurs
RG : D'accord
PB : Donc tout ça pour vous dire que ça s'est pas fait sans pression quand même
RG : Donc il a fallu du temps, des années ?
PB : Ça a duré, pour le règlement définitif ça a duré. La décision moins mais pour concrétiser sur le terrain ça a duré quatre ans
RG : D'accord
PB : entre trois et quatre ans
RG : Et il y a eu des ennuis ou des conflits ou ?
PB : Ce n'était pas des ennuis mais il fallait, il n'y avait rien juridique, il y avait un vide juridique
RG : D'accord
PB : pour pouvoir rendre la terre aux agriculteurs et le concrétiser officiellement, que tout soit clair
RG : D'accord
PB : enregistré au cadastre et tout…
RG : Mais politiquement ?
PB : La décision…
CB : Oui, Oui
RG : vous aviez la victoire
PB : Oui
CB : Oui…en fait on l'a eue en réalité le 3 juin 1981
PB : officiellement
CB : donc
RG : c'était un discours, un…
PB : un décret
CB : trois semaines après l'élection présidentielle
RG : D'accord…et Mitterrand a dit quelque chose à la télévision ou il y avait un communiqué de presse ?
CB : Non
PB : Si je crois, si
CB : le 10 mai 81 non ?
PB : non, non pas le 10 mai, après il a dit et j'ai décidé de rendre la terre aux agriculteurs, la terre sera rendue aux agriculteurs, ça il l'a dit
CB : Oui
PB : C'est passé à la télé, et la c'est en cours, enfin bon, mais c'était un engagement qui n'a pas été facile de concrétiser sur le terrain
RG : Oui d'accord je comprends
PB : parce que jamais je vous dis bien ça été aussi loin dans l'expropriation
RG : Et puis il y avait des tensions avec le ministre
PB : de la Défense
RG : de la Défense
PB : Oui, oui
RG : parce que lui c'était un dur
PB : le ministre de la Défense lui c'était mini extension, et puis Mauroy - qui a été aussi droit comme un lit - c'est Mauroy qui a été trouver Mitterrand et qui lui a dit « ou ta parole est respecté ou je démissionne »
RG : Oui
PB : et je dirais pourquoi, parce que on avait à Lille un très gros comité Larzac
RG : J'allais dire, Lille est loin d'ici
CB : Ah oui
PB : Oui mais on a
RG : Il y avait un comité Larzac à Lille
PB : voilà et qui était très actif
RG : D'accord
PB : et où les gens avaient fait des pressions sur Mauroy
RG : Il était aussi maire de Lille
PB : Il y a eu des jumelages entre des fermes
CB : Il était maire de Lille oui
PB : des fermes et des municipalités de gauche
RG : D'accord
PB : et donc des gens avaient travaillé au niveau du gouvernement, des gens des comités et ça a porté ces fruits
RG : Oui
PB : Je ne crois que rien…
CB : ça, ça été important aussi. On ne l'a pas dit mais au moment ou on a fait les jumelages avec les fermes et les hameaux du Larzac, les municipalités de gauche on leur demandait s'il voulait bien se jumeler avec…
PB : une ferme ou un village
CB : une ferme pour nous soutenir moralement, financièrement, faire ce qu'ils pouvaient. Et ça a marché il y a eu…
RG : vous par exemple vous étiez…
CB : nous la ferme de l'Hôpital ?
PB : Chambéry
CB : était jumelé avec Chambéry
RG : Chambéry
CB : en Savoie
RG : Oui en Savoie
PB : Et il y avait une avenue qui s'appelait avenue du Larzac
CB : A l'époque ben après ça été
PB : Ben peut-être elle y est toujours hein
CB : Je ne sais pas
PB : puisqu'un jour on suivait un car…
CB : On essayait de demander aux municipalités de gauche par l'intermédiaire des comités Larzac, donc. Et après il y avait une rencontre, une cérémonie et donc voilà
PB : un jumelage officiel, des deux cotés
CB : chaque ferme accueillait sa ville, ou chaque hameau, des fois c'était des hameaux. C'était, ça renforçait le soutien
RG : Oui tout à fait
PB : Et puis c'était un soutien aussi qui s'est traduit financièrement. C'est-a-dire que par exemple nous Chambéry a pris tous les enfants du Larzac en classe de neige
RG : Ah d'accord
PB : gratuitement. Il y en a d'autres qui envoyaient des scientifiques faire des études ici sur le Larzac pour, en prévision d'un règlement du problème du Larzac. Il y a eu quand même des, bon il y a des municipalités qui ont juste signées, bon c'est très bien mais Lille était jumelé, enfin Villeneuve d'Ascq exactement
RG : Ah oui
PB : Mais il y avait bon Toulouse, Albi, il y avait Avignon, il y avait Grenoble, Chambéry
CB : Nîmes…Montpellier
PB : Oui, il y en avait d'autres encore
RG : Et par la suite vous vous êtes engagés dans d'autres luttes ou vous avez ?
CB : Oui euh
RG : Vous avez participé à des autres associations ?
CB : C'est-a-dire c'était le Larzac qui était engagé en retour de solidarité avec tout ce qu'on avait reçu
RG : Oui
CB : comme soutien. Il fallait rendre cette solidarité la ou l'on nous le demandait, que ce soit sur des luttes locales ou inter…
PB : internationales
CB : ou internationales comme
PB : les Kanaques, les Tahitiens
CB : le Japon
PB : bon le Japon
CB : Après la victoire on a fait des rencontres internationales pour la paix, en août 81, on a fait des rencontres et
PB : C'est Pierre Vuarin
CB : C'est Pierre Vuarin qui avait organisé ça
RG : Oui
CB : Et donc on a reçu beaucoup de délégations étrangères, et notamment des Japonais qui étaient venus à 17 et ils nous ont invité après a aller soutenir les paysans qui étaient en lutte dans l'arrondissement de l'aéroport de Narita
RG : Ah oui
CB : Et en 82 on y est allé, on était tous deux avec d'autres, on était huit ou dix du Larzac avec notre avocat François Roux, on est allé là-bas les soutenir
RG : Oui d'accord, oui
CB : Et puis bon, il y a eu après avec Tahiti, on est allé a Tahiti beaucoup plus tard après en 92
PB : Puis avec les Kanaques beaucoup, là, ça a été
CB : avec les Kanaques il y avait des liens très, très forts, ben il y en a toujours d'ailleurs
PB : Jean-Marie Tjibaou ou Oscar, tous les chefs de régions sont venus plusieurs fois sur le Larzac
RG : Oui
PB : Oui d'ailleurs le Larzac a donné un coin de terre aux Kanaques et c'est sur le Larzac il y a une terre kanaque, qui appartient aux peuple kanaque
RG : Ah d'accord
PB : à côté du Cun là, oui, on a construit une caselle en pierre. Et c'est fou parce que tous les week-ends
CB : il y a eu des cérémonies là
PB : Ah oui
CB : c'est un lieu vraiment presque de…
PB : porteur
CB : porteur de, de quelque chose. On se sent bien dans ce lieu, on voit la caselle, on voit la flèche, il y a des drapeaux, il y a …et puis bon après il y a eu les morts là, il y a Jean-Marie Tjibaou. On a fait beaucoup de cérémonies, des choses de commémorations, et puis eux quand ils viennent avec la coutume et tout ça c'est, c'est très, très fort
RG : Oui
CB : Et puis là, il y a deux ans on a vécu la cérémonie du pardon…
PB : ça c'est alors vraiment
CB : c'est-a-dire que les familles de Yéwéné Yéwéné et de Jean-Marie Tjibaou ont pardonné à l'assassin - l'assassin de Jean-Marie Tjibaou et de Yéwéné Yéwéné a été tué par un flic
PB : Djoubeli Wali
CB : Djoubeli Ouea
PB : Ouea
CB : et le flic qui a tué Djoubeli Ouea, l'assassin donc. Il était là aussi à cette caselle dans ce lieu sur le Larzac, en même temps que Marie-Claude Tjibaou , la femme de Yéwéné et la femme de l'assassin. Toutes ces femmes étaient là et nous ont tout raconté
PB : raconté ce pardon
CB : Ça, on ne l'oubliera jamais
PB : et il y a un film qui vient d'être fait là
CB : c'est extraordinaire
RG : C'était il y a combien de temps ?
CB : Ça c'était en 2005, en juin, le 12 juin 2005
PB : Elles venaient de faire le pardon la, et le DVD il vient de sortir là cette année
CB : Quinze ans elles ont mit, quinze ans pour pardonner
RG : Oui
CB : C'est grâce aux églises évangéliques, aux églises, les protestants
PB : les catholiques
CB : les catholiques, les prêtres, les pasteurs allaient voir les familles et, parce que la femme de l'assassin qui était présente là, comment elle s'appelle ? Ouea elle s'appelle mais son prénom je m'en souviens plus - et elle, elle voulait, elle a essayé d'aller demander pardon pour son mari, parce qu'en fait son mari a été tué aussi sur le coup
RG : Oui, oui
CB : et elle ne savait pas pourquoi elle-même. Elle est restée sans réponse, sa question est restée sans réponse, pourquoi il a fait ça
RG : Oui
CB : puisqu'il est mort tout de suite, tué par le flic. Et donc elle, elle a voulu essayé d'aller demander pardon aux familles mais elle s'est fait …
PB : non ils n'ont pas voulu la recevoir
CB : ils n'ont pas voulu
PB : mais on comprend
RG : d'accord
CB : Et donc elle est restée enfermé dans son village, dans sa tribu pendant quinze ans. Ça a été très, très dur. Et petit à petit les familles, et puis la famille - c'était drôle de voir ça parce que Marie-Claude Tjibaou c'est une femme du monde, on voit qu'elle a vécu, elle est sortie
PB : et puis elle a beaucoup de culture
CB : les femmes Yéwéné c'était des femmes de chefs, alors que la femme de l'assassin c'était une, elle était dans, une villageoise quoi. Elle est restée tout le temps de, du, de l'échange
PB : ou de cet échange
CB : ils nous ont racontée, elle a parlée la dernière en plus la tête baissé, elle avait du mal à relever la tête, ce qui m'a frappée à la fin
PB : à nous regarder
CB : à la fin quand elle a parlé, il y a un rayon de soleil, du soleil qui est allé sur son visage, qu'il l'a illuminé, c'était mais pff
PB : on était 300 ou 400 personnes…
CB : Je ne vous dis pas le, tout le monde pleurait
PB: plus de la moitie a pleuré
RG : Ah oui
PB : ah oui hein
CB : C'était très fort. Ça a durée, parce qu'alors ça a durée déjà toute la journée. Elles sont arrivées le matin accompagnées, il y avait des enfants, leurs enfants, il y avait, leurs enfants qui sont adultes bien sûr, plus de trente ans, et puis après quand ils prennent la parole, c'est lent, c'est très lourd, c'est plein de respect. Le fils de Marie-Claude Tjibaou il disait mais moi je vous parle mais moi je ne suis pas important, c'est ma mère, c'est, il y a un respect, c'est, ils sont extraordinaires, vraiment, ils nous apportent beaucoup
PB : Ah oui, oui c'est, ils ont…
CB : et donc, il y a eu la coutume qui a durée longtemps. Il y a eu le pique-nique et après à 2 heures elles se sont mises ensemble et la elles ont commencé à parler mais pff c'était, on se demande comment elles ont réussi à pardonner quoi
RG : Oui, oui
CB : et elles se sont embrassées devant nous, c'est, alors que leurs maris ne sont plus la quoi, c'est des veuves, c'est des…
PB : et puis c'est vrai que la…
CB : C'est pour dire que voilà il se passe des choses comme ça encore aujourd'hui sur le Larzac, dix ans après notre lutte
RG : Oui
CB : des choses fortes quoi, très, très fortes
PB : A Montpellier il y a une très grosse communauté kanaque
RG : Ah bon ?
PB : Ah oui, oui, de tout temps, et ils viennent mais tous les weekends, mais il y en a qui viennent sur le Larzac, c'est pour eux un lieu de référence cette caselle
RG : Oui d'accord
PB : Comment ?
RG : D'accord je comprends oui
PB : Oui et donc c'est…
CB : qui viennent régulièrement et la au mois de juin il va y avoir de nouveau un rassemblement des Kanaques ici, donc ils nous invitent, ils font des bounias, c'est un repas çanaque qui font cuire dans des feuilles de bananier, ils préparent un feu a 6h du matin
RG : Oui d'accord
PB : puis à, aux pierres chaudes, chauffés quoi
RG : Oui d'accord…Donc dernière question, c'est une question bête vraiment, parce que quand je vous demande de réfléchir aux années 70 de maintenant, il est bien évident que vos vies ont été transformées et l'évidence de cette transformation est toujours là , c'est ça ?
CB : Tout à fait, bien sûr
PB : Enfin je ne sais pas si elle est là. Nous on a le sentiment qu'on a changé, pour beaucoup de choses mais, on est plus sensible, on est plus ouvert aux problèmes du monde, et plus révoltés aussi, ça c'est, parce qu'il y a des choses qu'on ne peut pas supporter bon. Enfin on ne va pas en parler parce que ça durerait, on pourrait en parler des jours …Mais on s'aperçoit qu'on ne peut pas - bien sûr qu'on n'a pas le même courage qu'on avait donc on ne peut pas aujourd'hui avoir le même ressort qu'on avait pendant les années de lutte
RG : Oui
PB : alors c'est vrai que, bon limite ce qu'on doit faire, si… sinon je crois que presque tous les jours il y aurait une réunion, il y aurait quelque chose, mais tout, que ce soit le Larzac, Millau ou la région. Il y a une telle, il y a eu une telle évolution à cause du Larzac soit par les gens qui sont venus ou autres, qu' il se passe beaucoup de choses
RG : Oui
PB : et...mais on ne peut pas participer à tout…c'est vrai qu'aujourd'hui les OGM c'est quand même quelque chose, c'est un des combats d'aujourd'hui, parce que c'est un combat pour l'avenir aussi et puis pour la même, simplement la sécurité alimentaire des gens. Parce qu'on ne sait rien du tout et, c'est même très discutable plutôt, c'est très...on sait certaines choses qu'on ne veut pas nous dire
RG : Oui
PB : mais bon, on ne peut pas avoir le même engagement mais ce qu'on a vécu nous a permis d'être où on en est aujourd'hui
CB : on est resté sensible à tout ce qui se passe qui concerne...oui tout ce qui est injuste en fait
RG : Oui
CB : et si on peut, on milite. Mais bon en même temps nous on a des petites retraites et on est encore obligé de travailler donc on fait le ramassage scolaire parce que, pour arrondir les fin de mois comme on dit et…
PB : pour y arriver
CB : puis c'est vrai aussi que le militantisme ça coûte cher
RG : Oui bien sûr
CB : Je me souviens une fois on était à une réunion. On présentait la casette du Larzac il y a deux ou trois ans et il y a un monsieur qui était avec nous à la table là et qui prenait la parole. Il disait ca coûte le militantisme et il a fait rire toute la salle parce que c'est quelque chose qui est vrai parce que ça coute de l'argent et donc ce n'est pas toujours facile, quand on était plus jeune on avait une vie économique un peu plus facile qu'aujourd'hui
PB : Oui
CB : et on n'est pas les seules, il y a beaucoup de jeunes aujourd'hui
RG : Oui
CB : qui sont obligés de…
PB : même en activité, qui souffrent
CB : qui sont en activité et qui souffrent et donc on ne peut pas être partout, et au travail. Nous on a fait ça pendant dix ans parce qu'il fallait, on était directement menacé mais aujourd'hui bon aujourd'hui on peut choisir la lutte elle est mondiale, ce n'est pas loçal
RG : Oui
PB : mais ce dont on s'est aperçu c'est que heureusement la lutte du Larzac est intervenue dans les années 68 c'est-a-dire après mai 68
RG : Oui
PB : dans un contexte économique des années glorieuses
RG : Oui…
PB : où tout nous réussissait au niveau agricole. Donc on n'avait pas à se préoccuper tellement de...d'abord on n'avait pas a se diversifier par rapport à aujourd'hui, aujourd'hui les paysans même dans des régions comme chez nous qui avait une masse de lait, lait de brebis donc production de Roquefort très forte
RG : Oui
PB : et ben sont obligés de faire autre chose ou de quitter Roquefort pour fabriquer d'autres produits que du Roquefort parce que Roquefort bientôt, pour les petits agriculteurs ça ne payera plus
RG : D'accord
RG : il y a une telle évolution que la lutte arriverait aujourd'hui, je ne sais pas comment ça se passerait
CB : elle est arrivée au bon moment
PB : Oui…je raisonne
RG : Oui
PB : avec la mentalité de l'époque hein. C'est-a-dire qu'il ne faut pas aujourd'hui, il ya des gens…
RG : Il y avait moins de globalisation à l'époque
PB : non, non, Oui il y avait beaucoup moins de globalisation mais avec la mentalité des gens de l'époque, c'est-a-dire qu'aujourd'hui il y a beaucoup, les néo-ruraux
RG : Oui
PB : sont, vont devenir majoritaires au Larzac
RG : D'accord
PB : donc c'est des gens qui ont choisi de vivre ici
RG : Oui
PB : nous on n'a pas choisi. C'était dans la tradition. On était paysan point. Aujourd'hui c'est des gens d'ailleurs qui viennent, qui ont un autre vécu et une autre formation que celle d'agriculteur et donc le problème ne se passerait certainement pas de la même façon. Il n'y a pas de ferme abandonnée aujourd'hui alors qu'a l'époque il y en avait
RG : D'accord…donc ils ont quelle perspective les néo-ruraux ?
PB : Ben c'est des gens qui réussissent très bien
RG : D'accord
PB : économiquement…
RG : économiquement ?
PB : Ah oui, oui, oui qui sont très pointus techniquement
CB : à condition qu'il n'y ait pas de grande sécheresse
PB : bon…voilà…
RG : Oui d'accord
CB : parce que ça c'est un problème
PB : bon il y en a, c'est comme partout hein, il y a des gens qui sont nuls bon
RG : Oui
PB : mais…
RG : et toujours les brebis, il n'y a que ça ?
PB : Oui brebis si, il y a des bovins aussi
RG : Oui
PB : il y a des bovins et il y a maintenant beaucoup plus de transformations c'est-a-dire de la vente fermière
RG : Oui
PB : à notre époque il n'y avait rien, ça n'existait pas
RG : Oui….vous avez vendu directement à l'industriel ?
PB : on vendait à un organisme, un groupement de producteurs, nous en l'occurrence c'était une coopérative qu'on avait
RG : Oui
PB : et le lait était vendu a Roquefort, aux différentes sociétés
RG : on devrait terminer c'est ça
CB : euh oui on a dix minutes encore
RG : Dix minutes
CB : jusqu'à quart mais pas plus, toi tu dois partir
PB : Oui
RG : Est-ce que vous avez des dernières réflexions peut-être ? Enfin par exemple on n'a pas parlé de, du rôle des femmes par exemple. Est-ce que les - on a parlé plutôt d'une vision de travail - est-ce que les femmes avaient un rôle particulier dans la lutte ?
CB : Ben on avait les taches qu'on pourrait appelé subalternes en rigolant
PB : Oui, Oui mais…
CB : mais en fait, peut-être au départ c'était un peu difficile pour nous, enfin pour moi mais je pense que je n'étais pas la seule, parce qu'il s'agissait d'un camp militaire donc ça concernait un peu plus les hommes parce qu'ils avaient fait leur service
RG : Oui
CB : ils comprenaient peut-être plus rapidement. Bon et puis les femmes, on allait aux réunions, participaient à toutes les actions. Il n'y a pas eu tellement de différence au niveau de la participation, les femmes. Une seule fois il y a eu une action de femmes
RG : Oui
CB : Elles sont allées - enfin je dis elles parce que moi j'étais a la maternité, j'ai eu mon fils - donc elles sont allées déchirer des papiers d'un….
PB : des dossiers
CB : des dossiers…
PB : d'enquêtes…
CB : d'enquêtes parcellaires dans les communes
RG : dans les mairies
CB : dans les mairies. Il y a onze communes qui étaient concernées par l'extension du camp donc des femmes par groupes de deux ou trois sont allées déchirer des dossiers, et puis une autre fois aussi…
RG : Mais pourquoi les femmes ?
CB : Mais parce que on voulait faire une action de femme un peu pour…
PB : C'était après que les hommes ont renvoyé leur livret militaire
CB : Voilà parce que nous on aurait bien renvoyé notre livret militaire mais malheureusement on en avait pas. Donc on a joint une lettre avec les livrets de nos maris en disant qu'on était solidaire parce que si eux ils quittaient le Larzac nous on le quitterait aussi et nos enfants aussi. C'était une lutte de famille en fait
RG : D'accord
CB : et puis une autre fois il y avait aussi les fermes qui avaient été achetées par l'armée sur le Larzac, des fortins qui été occupés par les militaires et ils passaient sur la route sans arrêt et notamment aux heures de ramassage scolaire, ils passaient en convois donc. Une fois on a fait une action de femmes uniquement
PB : une fois mais vous ne l'avez pas fait qu'une fois ….
CB : non mais c'est pour dire, on l'a fait plusieurs fois mais…
PB : non mais…
CB : mais quelque fois on voulait voilà
PB : moi ça me gêne
CB : mais oui voilà, il n'y a pas eu de, non, vraiment c'était une lutte de famille
PB : de famille Oui…faut bien comprendre que si il y avait pas eu les femmes sur le Larzac il y aurait jamais d'affaire du Larzac
CB : bien sûr oui
PB : ça c'est clair, parce que les, quand elle dit, faut voir l'intendance qu'elles ont assurée
CB : voilà oui
PB : l'accueil des journalistes
CB : l'accueil des journalistes…
PB : ben je peux vous dire….
CB : Quand il y avait les assemblées générales des GFA, des Groupements Fonciers Agricoles, il y avait 350 personnes, ben il fallait préparer l'accueil
PB : pour manger, pour boire
CB : et ça, c'était souvent mais bon…
PB: Non mais je crois qu'on ne peut pas mélanger. La lutte du Larzac c'était par rapport a une lutte ouvrière - une lutte ouvrière les gens vont au boulot
CB : au boulot…voilà ici c'était dans nos maisons
PB : et c'est dans l'usine qu'ils occupent, qu'ils mènent l'action. Nous c'était dans nos familles
RG : Oui d'accord
PB : la lutte…
CB : dans nos fermes, dans nos maisons
PB : voilà, dans les maisons surtout dans les maisons. Quand je dis dans les familles, c'est les enfants, nous on avait une fille, elle allait, donc l'aînée, elle demandait…
CB : tous les jours …
PB : quasiment tous les jours….
CB : « combien je mets d'assiettes pour mettre le couvert ? » (rire de RG )
PB : ben oui parce que il y avait toujours des gens
RG : Oui
CB : soit tu n'étais pas la, tu étais absent, tu étais en réunion
PB : Oui
CB : bon voilà Et puis par rapport aux femmes aussi, c'est vrai que selon notre situation familiale et notre âge parce que attention, nous on était jeune mais il y avait des gens qui avaient vingt ans plus que nous dans la lutte
RG : Oui, oui
PB : ou trente ans même
CB : donc selon l'âge que l'on avait, le dynamisme qu'on avait
PB : Oui, c'est normal
CB : les enfants. Moi c'est qu'à cause des enfants que je n'ai pas participé à tout, peut-être comme Marisette [Tarlier]. Par contre il est arrivé que ce soit aussi je suis honnête, un refus pour moi parce qu'il y avait des actions qui me faisaient peur et j'étais bien contente d'avoir les enfants pour ne pas y aller, et d'autres fois je râlais parce que j'aurai aimé participer mais bon
RG : Oui
CB : mais on arrivait quand même à s'arranger entre nous pour pouvoir participer quoi…
PB : non mais c'est…
CB : C'était difficile de mener de front la vie de, le métier agricole, la vie de famille et la vie militante, ce n'était pas facile
RG : Oui d'accord, je comprends oui
PB : Vous savez dans des…
CB : c'était très intense
PB : dans des conflits comme Lip par exemple
RG : Oui
PB : il y a eu beaucoup de divorces
RG : Oui
PB : bon le Larzac, de la lutte…
CB : à l'époque
PB : Il n'y a eu aucun divorce
CB : à l'époque
PB : pourquoi parce que c'était, effectivement c'était….
CB : Si, il y en a eu Pierre
PB : Non mais après, après
CB : après oui…mais pas pendant, pas pendant
PB : pendant la lutte rien et puis, bon
RG : D'accord, oui
PB : parce que c'était les familles, la famille qui prenait en compte la lutte…et
RG : Parce qu'a Lip c'était, les gens étaient engagés comme travailleurs
CB : Mais c'est-à-dire…
PB : voilà
CB : c'était celui qui travaillait soit l'homme soit la femme
RG : Oui
CB : ou les deux peut-être
PB : tous les deux ne travaillaient pas dans l'usine
RG : c'est ça, c'est ça oui
CB : Celui qui se retrouvait à recevoir les informations de son conjoint quand il rentrait dans l'usine pour dire ben ce qu'il se passe etc., il ne pouvait pas participer de la même manière. Alors que nous c'était, tout est imbriqué dans la ferme, les bêtes, et la famille, tout est, on vivait la même chose
PB : Charles Piaget, bon sa femme, bon ben elle est morte mais, elle lui reprochait
RG : Oui
PB : de se battre et de ne pas accepter un bon classement et puis, et c'est ça dans une...nous il n'y avait pas se problème
CB : non, ça c'est vrai
RG : Et pas de suicides ?
CB : Non
PB : non à ce moment-là
RG : de dépression nerveuse, de… ?
CB : non
PB : non, non, non. On était même je dirais bien équilibré, c'est fou hein mais
CB : mais ce qui était extraordinaire c'est….
PB : c'est après que…
CB : on était d'âge très différent en fait
RG : Oui
CB : C'est vrai il y avait des gens âgés, il y avait...Son père il se bagarrait comme et les jeunes de vingt ans arrivaient, ils lui tapaient sur l'épaule et l'appelaient Léon
PB : Léon
CB : et lui qui avait été un notable et qui disait « vous » à tout le monde…
PB : des jeunes de vingt ans qui tutoyait mon père alors ça (rire de RG et PB)
CB : et au début il disait « mais ils me tutoient ! », et lui il leur disait « vous » au début, et après il les a tutoyé mais….
PB : non papa il n'a jamais tutoyé les jeunes, non
CB : peut-être
PB : et c'était lui qui disait toujours oh mais, quand on faisait des grands rassemblements, eh « alors Léon comment ça va ? », bah- mon père- « le bon Dieu est avec nous » parce qu'il faisait beau…
CB : il fait beau, il fait beau il disait « le bon Dieu est avec nous »
PB : pour des grands rassemblements…
CB : et c'est vrai qu'on a eu toujours cette chance aussi, c'est incroyable
PB : et, et il y en avait des copains qui disaient, « Ah tiens j'ai vu le bon Dieu est avec nous » là, tant qu'on l'aura
RG : donc il n'y avait pas de conflit de générations ?
PB : non
CB : pas à ce moment-là parce qu'on en avait assez à se battre contre les militaires, contre le gouvernement donc….
PB : mais même, même en famille, il n'y a pas eu de conflit de….
CB : non
PB : génération
RG : Non mais ça veut dire qu'il n'y avait pas de différence de point de vue entre vous les jeunes et puis la génération de vos
CB : Oui tout à fait
RG : de vos parents
CB : Oui
RG : vous étiez tous ensemble ?
CB : Oui mais enfin on était tous ensemble…
PB : Oui
CB : mais il y en avait quand même qui avait plus ou moins le moral
RG : Oui
CB : et il y avait justement les non-violents de la de communauté de l'Arche qui occupaient les Truels, la ferme des Truels. Il y en avait un, Roger Moreau qui passait dans les familles, on l'appelait le veilleur de moral, et il discutait….
PB : ça c'est aussi une stratégie
CB : il était prêt à discuter pendant des heures avec quelqu'un qui disait « oui mais de toute façon on a beau faire ça, on ne gagnera pas ». Il y avait des moments où il y avait des gens qui étaient vraiment dans le creux de la vague, ils ne savaient plus comment repartir et…
RG : Oui
CB : et il fallait les soutenir parce que, Jeanne Jonquet notamment, vous en avez peut-être entendu parler à la Blaquière
RG : Oui, oui
CB : c'est une dame qui a plus de quatre-vingt ans, à l'époque elle en avait cinquante et elle avait trente ans de plus que nous. Donc des fois elle ne voyait pas l'issu de la lutte, puis elle était vraiment au bord du camp militaire
PB : et puis nous non plus on ne la voyait pas mais, mais c'est qu'on surveillait beaucoup comme on dit le moral des troupes, ça. Et Roger Moreau, de la communauté de l'Arche, c'était sa fonction à lui de...D'abord il faisait la coordination entre les gens du plateau mais, avec Pierre Molina aussi, un technicien agricole
CB : de Millau oui
PB : ils s'occupaient un peu de surveiller le moral des agriculteurs parce que …
RG : quand vous dites « surveiller », vous voulez dire remonter
CB : remonter le moral
PB : mais c'est- à -dire des fois ça, on le, ça se faisait à plusieurs
RG : Oui d'accord
PB : mais de voir comment les gens réagissaient…
RG : Un travail de psy en quelque sort
CB : Oui…
PB : voilà
CB : tout à fait, tout à fait. Oui, oui se soutenir les uns les autres parce que ben c'est vrai que quand on a vingt-cinq ou trente ans, on a plus la pêche que quand on a, quand on est plus vieux
PB : et une des choses qui nous a aussi permit de garder un équilibre
RG : Oui
PB : C'est que chaque fois qu'on faisait une manifestation, après on faisait le bilan mais on faisait aussi la fête. On riait, on mangeait, on buvait, pas pour se soûler jamais - ces genres de choses ce n'est pas la peine que les gens se soûlent - mais on faisait toujours la fête
RG : Oui
PB : pour que - et c'était important - parce qu'il y avait des gens qui n'étaient pas venus à l'action
RG : Oui
PB : mais qui venaient faire la fête le soir parce qu'on leur dit aller faut venir
RG : Oui d'accord
PB : de voir le moral qu'avait les autres. Celui qui n'était pas venu il disait, « oh la prochaine fois je vais y aller, ça avait un impact là-dessus »
RG : Oui
PB : et que, donc de sauvegarder toujours ce noyau, des fameux 103 pour qu'il n'y ait pas gens laissés pour compte sur le côté…et ça ce serment aussi, c'est, ça été la meilleure chose qu'on ait faite…enfin non, on a fait des bonnes choses mais…
RG : Oui
PB : ça a été une des bonnes choses
RG : Et est-ce qu'il y a des moments qui sont commémorés, enfin des dates particulières ou certaines actions ? Certains moments sont commémorés, par exemple le jour du serment ou je ne sais pas ?
CB : non, mais quand on a fêté les trente ans du Larzac - non on a fêté le rassemblement de 1973, ou l'a commémoré par un autre rassemblement celui de 2003 par rapport aux OGM et tout ça sur le Larzac où il y avait 300 000 personnes, et on a, au départ c'était trente ans après
PB : Oui
CB : trente ans après le premier rassemblement du Larzac voilà. Sinon non il n'y a pas de, on ne fait pas de commémoration comme ça
PB : Non mais ce n'était neutre pas là aussi que il y ait plus 300 000 personnes qui sont venus, même pour les OGM, ce n'était pas que pour les OGM, il y avait beaucoup de gens, nous on a revu des quantités de gens des anciens comités Larzac
RG : Ah oui
PB : qu'on n'avait jamais revu après
RG : Oui
CB : d'ailleurs il y en a même qu'on n'a pas reconnu (rire)
PB : Oui, on…
RG : ils se sont fait couper les cheveux ?(rire)
PB : non mais c'est…
RG : ils ont perdu leurs cheveux ?
CB : ils ont grossi (rire)
PB : L'impact, l'impact que le Larzac a quand même dans l'opinion
RG : Oui
PB : n'est pas simplement en France, et où des gens, pour beaucoup de gens, c'est devenu une référence. Bon qui est ce qu'elle est mais, c'est un combat qui a été gagné, même si c'est par un coup de poker
RG : Oui, enfin une élection
PB : Non mais bon j'appelle ça un coup de poker
CB : Oui mais bon…
PB : Mitterrand aurait pu dire « j'abandonne le camp » et puis le faire quand il était élu
CB : On avait déjà gagné dans la durée. De toute façon on disait « même si on perd, on aura quand même gagné
PB : Oui
CB : dans la durée puisqu'on avait gagné beaucoup de choses »
RG : Oui, oui
CB : la solidarité déjà c'était une victoire
RG : Oui, oui
PB : c'est vrai c'était, et après que, cinq-six ans ans, on a dit « il faut qu'on dure, il faut durer, durer, durer ». Et c'est pour ça qu'on a jamais voulu rompre - ça des comités nous l'on reproché, de ne pas...de garder toujours des liens avec la FDSEA ou la FNSEA - mais on a jamais voulu rompre ce lien-là parce que avoir le soutien de la FNSEA c'était avoir le soutien de tous les élus politiques du département, peut-être pas le soutien de tous mais en tout ças de ne jamais avoir la condamnation
RG : Oui
PB : parce que la FNSEA, les politiques du département n'auraient jamais accepté d'aller à l'encontre de ce que pensait la FDSEA
RG : D'accord
PB : C'était un poids, et c'était un poids aussi par le CMR, un poids au niveau de l'Église, beaucoup, les gens, on était au Larzac a l'époque on était 98% de catholiques pratiquants
RG : Oui
PB : bon aujourd'hui ça a changé mais, bon c'est comme ça
RG : Oui, oui d'accord
PB : mais on reste toujours, nous on ne renie pas nos origines chrétiennes, loin de la au contraire….
RG : au contraire, vous êtes toujours pratiquants ?
PB : on en est fier mais…
CB : non on n'est pas des piliers d'Église
PB : non pas des piliers maintenant, non c'est vrai, on l'était, mais bon, ça après la hiérarchie on n'a…
CB : mais la foi et la religiosité c'est deux choses…
RG : Oui d'accord
CB : différente, on a la foi, la foi on l'avait pendant la lutte, et elle nous a permit de gagner…
PB : Oui mais c'est vrai que…
CB : la foi en l'homme, la foi en la vie, la foi en Dieu oui
PB : mais bon peut-être…
RG : Mais vous pensez que la foi et puis la ténacité des paysans, ces choses-la ont comptés pour vous ?
CB : Oui beaucoup
PB : pour nous oui
RG : Oui
PB : Oui… vous savez il y en avait…
CB : ça a été le moteur je pense de départ
PB : des fois qui nous le disait…
CB : enfin pour nous, ça été notre moteur
PB : mais tu te ….
RG : la foi ?
CB : la foi
RG : d'accord
PB : Oui
CB : la foi, la foi qu'on avait en Dieu et puis la foi…
PB : dans ce qu'on faisait
CB : en la victoire, dans ce qu'on faisait, dans ce qu'on vivait, c'était, on avait cette foi c'est vrai
RG : Oui
CB : on y croyait sinon on n'aurait jamais lutté
PB : je crois que, honnêtement…
CB : on aurait abandonné dès le départ
RG : Oui
PB : on s'est situé dans le plat de Dieu, c'est vrai, ça paraît un peu…
CB : et on disait toujours « notre cause est juste »
PB : Oui
CB : de toute façon on fait cette action parce que notre cause est juste, donc c'était lié à notre foi finalement
RG : c'était une sorte de croisade ou…comme on dit ?
PB : pas une croisade ah non, non
CB : on ne l'a jamais su en tout cas que c'était une croisade, nous on ne le vivait pas ça
PB : non, non, non
CB : maintenant avec le recul, Oui on peut dire ça
PB : ah non je ne dis pas ça du tout, on nous a agressés
CB : Oui
PB : on a voulu nous priver de notre outil de travail
RG : Oui
PB : par des décisions de technocrates de Paris. Nous on a fait que se défendre, on s'est défendu en plus avec des moyens qu'on a choisi, non-violents
RG : Oui
PB : ce n'était pas, on n'a pas mené une croisade. Alors que beaucoup on dit la montée de Paris a pied ou avec les tracteurs, c'était, c'est la croisade du Larzac, il y en a beaucoup qui l'ont dit
RG : Oui
PB : mais ce n'était pas du tout une croisade. Nous on va dire à Paris ce que, et à travers Paris à tous les Français, ce que le gouvernement ne veut pas entendre, ou ne veut pas dire. Mais c'est pas du tout dans cette idée de, comme, non parce qu'une croisade il y en avait quand même l'idée, c'était pour Dieu soit disant
RG : Oui
PB : bon nous on avait nos convictions, on n'a pas imposé à tout le monde de, d'aller derrière la croix du Christ, de monter à Paris quand même quoi. Ce n'est pas, je veux dire c'est l'esprit
RG : et c'était une lutte d'auto-défense ?
CB : voilà
PB : ah oui
CB : tout à fait oui
RG : avec de la foi
CB : Oui
PB : ah mais avec de la foi ça c'est sûr, mais la foi, il n'y a pas que ceux qui ont la foi…
RG : Oui
PB : en Dieu. Il y avait beaucoup de gens, beaucoup de gens qui ont découvert aussi la foi en quelque chose…
CB : la foi en l'homme Oui
PB : il y en avait qui était complément pff ils n'avaient plus confiance en rien… à travers le Larzac ils ont retrouvé de la confiance. Il y a des gens qui se sont reconstruit, qui étaient, je ne veux pas dire zonards, mais qui étaient mal dans leur peau et puis c'est tout
RG : Oui, oui
PB : et qui ont retrouvé une espérance avec le Larzac, avec la famille qu'avait constitué le Larzac, c'est
CB : ben oui parce qu'il y avait une telle solidarité entre les gens que ceux qui se sentaient seul, là ils retrouvaient une famille. Donc c'était très fort pour eux, ils avaient besoin de venir régulièrement pour se ressourcer en quelque sorte
PB : ah oui, oui, oui, ça c'est…
CB : vous allez vous y retrouver ?
RG : Oui…donc c'était une grande famille ?
CB : Oui tout à fait
PB : c'est toujours une grande famille
RG : c'est toujours une grande famille
CB : c'est toujours
PB : Oui, et pourtant on n'est pas tendre entre nous
CB : Oui, on s'est fait des fois…
PB : on sait s'engueuler
RG : ben c'est comme ça dans les familles (rire)
CB : Oui absolument
PB : mais moi je n'aime pas m'engueuler avec ma femme (rire de RG)
RG : Bon je crois qu'on peut s'arrêter la, je vous remercie infiniment de votre témoignage, merci.